DE LA SUBJECTIVITE A
L’INTERSUBJECTIVITE : NECESSITE D’UNE RELATION PAISIBLE
Introduction
I-
Démonstration du passage
1-
René Descartes et le cogito
2-
Aristote, Kant, Sartre et la reconnaissance de l’autre
II-
L’exigence de la quiétude au delà de cette intersubjectivité
1-
La vie comme principe premier de cette exigence de paix
2-
Le service au service de la paix
3-
La culture de la tolérance
Conclusion
INTRODUCTION
Une
façon d’introduire notre article consiste à partir d’un double regard. Etant
entendu que le titre lui même laisse entrevoir une double orientation, il est
impérieux pour nous d’en tenir compte. Le premier versant met en exergue une démarcation
entre le caractère solipsiste du sujet
et son ouverture à l’altérité. Le second pan quant à lui, soulève le contraste
dans la nature des rapports intersubjectifs. Plus précisément dans le caractère
pacifique et conflictuel de ces
rapports. Dans notre analyse, nous tenterons d’évaluer chronologiquement en vue
de dépasser ces deux versants et aboutir à l’idée que la paix reste et demeure
incontournable. Ce double préambule dont
nous ne faisons que parer l’arrivée tient de ce que la subjectivité implique
du solipsisme au sens cartésien et l’intersubjectivité, une façon de concevoir
les relations interpersonnelles.
Après
avoir hissé le cogito comme premier principe de la philosophie, René Descartes
émet une supposition. Il affirme : « examinant avec attention ce que
j’étais, et voyant que je pouvais feindre que je n’avais aucun corps et qu’il n’y
avait aucun monde, ni aucun lien où je fusse, mais que je ne pouvais pas
feindre, pour cela, que je n’étais point, et qu’au contraire, de cela même que
je pensais à douter de la vérité des autres choses, il suivait très évidement
et très certainement que j’étais… »[1] Par
cette supposition, Descartes entérine l’idée selon laquelle le sujet a la
possibilité de vivre replier sur lui-même sans rapport avec le monde extérieur, avec l’autre. Ce
entant qu’il est un sujet pensant. Un tel point de vue contraste avec celui de KANT pour qui la
saisie des choses n’est non pas seulement rationnelle comme le fait Descartes, mais aussi empirique. C’est la raison pour
laquelle il affirme : « la conscience simple, mais empiriquement
déterminée, de ma propre existence, prouve l’existence des objets dans l’espace
et hors de moi »[2].
Une telle opposition d’idées nous invite à méditer sur la véritable conception
du sujet. S’il n’est pas plus aisé de le considérer comme être purement
solipsiste ou alors s’il faut le prendre dans une double relation avec l’autre
sujet. C’est cette double relation qui suscite en nous un second préambule. En
affirmant que « les hommes eurent toujours
un grand besoin de s’aimer les uns les autres »[3],
Alain voulait par là nous faire comprendre que les relations entre les hommes
sont foncièrement harmonieuses. Ce point de vue n’est pas du tout partagé par
Nietzsche qui pense que la relation avec l’autre est faite de douleur, de
souffrance et de conflit. Voilà pourquoi il affirme : « la souffrance
d’autrui est chose qui doit s’apprendre : et jamais elle ne peut être
apprise pleinement ». De ces deux thèses anti- thétiques découle le
problème de la nécessité de la paix au regard de la prédominance de caractère
belliqueux et égoïste qui anime l’homme. Comment comprendre, au regard de la
conception du sujet et de la nature des rapports interpersonnelles, la
nécessité qu’il y a pour le sujet de taire son appétit Solipsiste pour entrer
en relation avec l’autre ? Le cadre social n’est-il pas une mesure astreignante
propice à de telle relation ? Si l’on admet que les sujets sont voués à
collaborer, et qu’ils sont naturellement portés à être belliqueux, comment
transcender le conflit pour promouvoir l’harmonie et la paix entre
ceux-ci ?
I-
DEMONSTRATION DU PASSAGE DE LA SUBJECTIVITE
A L’INTERSUBJECTIVITE
L’intitulé
de ce chapitre laisse transparaitre son contenu. Il est bien question de
montrer avec l’appui des penseurs comme
Aristote, Kant et Sartre la nécessité
qu’il y-a pour le sujet de sortir de son manoir pour faire avec les
autres. Mais avant ceux-ci, nous montrerons avec Descartes comment le sujet est
enfermé sur lui-même sans ouverture avec les autres.
1. Descartes et le cogito
Une
clarification lexicale voudrait que le terme cogito soit considéré comme
une conjugaison à la première personne du singulier du verbe cogitare (penser
en latin). Donc cogito plus simplement signifie je pense. Ce je pense est au cœur
de toute la philosophie de Descartes et constitue même un appui considérable à
l’anthropocentrisme socratique. Dans l’intention de trouver un fondement solide
sur lequel bâtir l’édifice de la connaissance, Descartes prend appui sur le
sujet en tant que être pensant. Cette initiative le pousse à douter. Le doute
devient donc non pas une simple attitude
qui parait vulgaire, mais une méthode. De ce doute, qui a une envergure
hyperbolique nait la première évidence : le Cogito. Comment Descartes en
arrive là ?
L’évidence chez
Descartes, c’est ce qui est clair et distinct précisément ce dont on ne peut
plus douter. La première évidence est donc le résultat de cette démarche méthodique qui est le doute. Descartes commence tout
d’abord par douter des réalités sensibles à travers l’analyse du morceau de
cire (cf. méditation P.41). De là Descartes conclut que les sens sont trompeurs. Il
affirme : « Ainsi à cause que nos sens nous trompent quelquefois, je
voulus supposer qu’il n’y avait aucune chose qui fut telles qu’ils nous la font
imaginer »[4].
Ensuite, Descartes doute des évidences mathématiques, vu qu’il est question de
trouver quelque chose qui pourrait résister au doute. Stupéfait de leur
cohérence et de leur véracité, Descartes ébranle les évidences mathématiques à
travers l’hypothèse de malin génie. Le malin génie serait ce petit Dieu
trompeur qui plonge Descartes dans l’incertitude lorsqu’il examine une
opération mathématique et il se laisse emporter « Me trompe qui pourra, si
est-ce qu’il ne saurait jamais faire que
je ne sois rien tandis que je penserai être quelque chose, ou que quelque jour
il soit vrai que je n’aie- jamais été étant vrai maintenant que je suis, ou
bien que deux et trois joints ensemble fassent plus ni moins que cinq ou choses
semblables, que je vois clairement ne pouvoirs être d’autre façon que je les
conçois »[5].
Et enfin, Descartes doute de sa propre existence. Il s’avère que le fait qu’il pense soit la chose qui résiste
à son doute. C’est à ce stade que le cogito apparait comme la première
évidence. La première vérité qui résiste à son doute. Voilà pourquoi il affirme
« Mais, aussitôt après, je pris garde que, pendant que je voulais ainsi
penser que tout était faux, il fallait nécessairement que moi, qui pense fusse
quelque chose. Et remarquant que cette vérité : je pense, donc je suis, était si ferme et si assurée, que toutes
les extravagantes suppositions des sceptiques n’étaient pas capable de l’ébranler,
je jugeai que je pouvais la recevoir, sans scrupule, pour le premier principe
de la philosophie que je cherchais »[6]
Descartes a à cet effet trouvé ce dont il avait besoin pour bâtir son édifice
épistémologique. Le cogito encore mieux la subjectivité, en tant que fondement
de toute une disposition gnoséologique reste enfermer sur lui-même dans le premier moment de la
réflexion cartésienne : Le solipsisme. Comment reconnaitre le caractère
solipsiste de la conscience chez Descartes ?
S’assimilant en dernière
analyse avec l’exercice de l’activité pensante, le cogito cartésien se donne
dans un mouvement de réflexion de soi même, de conversion vers l’intériorité
pure. Un retour de soi sur soi. Cette conversion vers l’intériorité pure le
renferme sur lui-même et rend impossible une probable communication avec le monde extérieur. L’entreprise du
doute n’est rien d’autre que la manifestation de ce mouvement de réflexion de
soi sur soi même. C’est l’essentielle de l’idée du solipsisme qui se défini
comme étant cette doctrine philosophique qui affirme que le sujet pensant
constitue l’unique réalité. Partant de là, la seule chose qui est sûre et certaine
chez Descartes c’est que ‘‘Je pense’’. Le cogito cartésien ne saisit les choses
que par l’entremise de l’esprit, ce qui est tout à fait logique vu que le
postulat c’est que les sens sont trompeurs. On assiste donc avec l’auteur du traité des passions à une saisie
uniquement rationnelle du monde. Ce qui ne laissera pas Kant indifférent, qui
du coup taxera sa philosophie d’ « idéalisme problématique ».
Descartes illustre le caractère solipsiste du cogito à travers une image. Il écrit : « si par hasard je ne
regardai d’une fenêtre des hommes qui passent dans la rue à la vue desquels je
ne manque pas de dire que je vois des hommes, tout de même que je dis que je
vois de la cire ; et cependant que vois-je de cette fenêtre, sinon des
chapeaux et des manteaux qui pourraient couvrir des machines artificielles qui
ne se remueraient que par ressort ? Mais je juge que se sont des hommes,
et ainsi je comprends par la seule puissance de juger, qui réside en mon
esprit, ce que je croyais de mes yeux. »[7] De
cette image, il ressort que la lecture empirique, celle la qui se fait à partir
des sens est largement insuffisante pour affirmer l’existence des hommes car
nous ne voyons pas des hommes mais uniquement des chapeaux et des
manteaux ; et pour voir que se sont des hommes il faille au préalable
l’intervention du jugement. Donc,
l’affirmation de l’existence des hommes est en réalité une expression de mon
esprit. C’est plus précisément une déduction du cogito qui n’a pas le même
degré de certitude que sa propre
conscience vu qu’il ne se saisit que par l’acte du doute. En vue d’ouvrir une brèche
à la critique, nous partirons de la deuxième évidence qui est celle
de l’affirmation de l’existence de Dieu « la preuve
anthologique » et qui soulève beaucoup d’ambiguïté. Descartes commet l’irréparable
en faisant de Dieu une substance alors
que le cogito en était déjà une autre. Pour finir à qui devons-nous nous fier
pour marcher avec assurance en cette vie : à la raison (cogito) ou à
l’être suprême (Dieu) ?
De ce qui
précède, il ressort que le cogito en tant que fondement, entant que substance
présente un caractère de repli sur soi
sans communication possible avec les autres. Cependant, comment Aristote, Kant
et Sartre entrevoient-ils la possibilité d’une altérité ; d’une ouverture
du sujet au monde extérieur ?
2.
Aristote,
Kant, Sartre, et la reconnaissance de l’autre.
Née d’un médecin
(Nicomaque), Aristote, au regard du fait que l’art médical se transmettait de père
en fils était dés ses origines prédestiné à étudier la vie. C’est la raison
pour laquelle la compréhension du monde exige non pas une contemplation des
idées dans un ciel intelligible mais une observation minutieuse de celui-ci. De
cette observation, Aristote en dégage 3 formes de vie ; étant entendu que
chaque chose dans la nature participe à la réalisation maximale de chacune de
cette vie. Il distingue l’âme végétale pour la vie des plantes, sensitive pour les
animaux et cognitifs propres aux hommes. La question de l’altérité, de l’ouverture
à l’autre s’impose dans la logique Aristotéliciennes.
Toutefois, c’est la dernière forme de vie qui attire notre attention. Non sans occulter
que chez Aristote ces trois formes de vie n’ont pas les mêmes degrés de
représentation. L’âme cognitive étant supérieure à celle dite sensitive
celle-ci étant aussi supérieur à l’âme végétative. Selon Aristote l’être humain
est naturellement porté à faire avec les autres, à s’unir avec l’autre. Il en
est de même pour les deux autres formes
de vie, car le postulat étant la volonté de pérenniser l’espèce. Contrairement à Descartes qui
renferme le sujet sur lui-même, Aristote estime que c’est un peu plus absurde
vu que la nature est une loi de comportement, et en tant que tel, il est dans
la nature des vivants non pas d’être solipsiste, de vivre en solitaire mais de
s’unir. La vie ne trouve tout son sens que dans cette union étant entendu que
c’est elle qui concourt à la préservation naturelle de toute l’espèce. Cette
union loin d’être semblable à celle d’un homme et une femme, embrasse également
l’union des individus et des peuples qui veulent mieux organiser leur société pour
bien être et le plein épanouissement de tous. Il déclare à ce propos : «
La première union est celle de deux êtres qui sont incapables d’exister l’un
sans l’autre : c’est le cas pour le mâle et la femelle en vue de la
procréation. (Et cette union n’a rien d’arbitraire, mais comme dans les autres espèces
animales et chez les plantes, il s’agit d’une tendance naturelle à laisser après
soi un autre être semblable à soi) ; c’est encore l’union de celui dont la
nature est de commander avec celui dont la nature est d’être commandé, en vue
de leur conservation commune.»[8]
Une analyse épistémologique range Emmanuel KANT parmi
les philosophes de la troisième voie. La première étant les rationalistes, la deuxième
les empiristes et la troisième l’association des deux. C’est cette position qui
fait de Kant un philosophe agnostique. Pour ce dernier, la saisie uniquement rationnelle
des phénomènes ne suffit pas, non plus la saisie uniquement empirique. L’on
sait de Kant qu’il est impossible de connaitre hors des cadres a priori de la
sensibilité (l’espace et le temps). L’espace et le temps nous ouvrent les
portes de la phénoménologie, donc on ne peut connaitre que le phénomène.
L’association de la raison avec l’expérience est le moyen le plus sûr pouvant
permettre de saisir le phénomène. Dans l’intention d’échapper au solipsisme et
de mettre le cogito en relation immédiate avec le monde extérieur, avec
d’autres subjectivités, Kant estime qu’il est impossible pour le sujet
cartésien de saisir les choses uniquement par le biais de la pensée
c'est-à-dire de la raison. En faisant de la conception du Cogito cartésien un idéalisme
problématique, Kant stigmatise cette non saisie rationnelle et empirique des
choses. L’idéalisme problématique de Descartes ne suppose surtout pas que les
choses hors de la conscience n’existent pas, mais qu’elles sont simplement douteuses
et indémontrable. Il est donc question pour Kant de briser cette incapacité à démontrer
les choses hors de la conscience. C’est
en ce sens qu’il estime que la raison doit être accompagnée de l’expérience
plus précisément l’expérience sensible. Ma conscience ne trouve sa plénitude
que dans un espace temps. Cette espace
temps la détermine et la pousse à reconnaitre un ensemble de détermination
extérieur à elle. C’est à ce niveau qu’intervient l’expérience sensible que
Descartes a radicalement remis en question. Cette expérience est incontournable
dans la mesure où elle permet d’entériner et de conclure les différentes
constatations de la raison. Ce qui veut dire qu’en regardant de l’autre côté de
sa fenêtre, Descartes aurait pu voir des hommes et nom des machines
artificielles recouvert de chapeau et de manteau, si au préalable il n’avait
pas douté des sens, si les sens n’étaient pas trompeur. Voilà pourquoi Emmanuel
Kant affirme : « Or, la conscience dans le temps est liée
nécessairement à la conscience de la possibilité de cette détermination de
temps. Elle est donc liée nécessairement aussi à l’existence des choses hors de
moi, comme à la condition de la détermination de temps ; c’est à dire que
la conscience de ma propre existence est en même temps une conscience immédiate
de l’existence d’autres choses hors de moi. »[9]
Sartre va certes
examiner une approche visant à ouvrir le sujet au monde extérieur, à une
possible altérité. Mais avant il partage le même point de départ que
Descartes : la subjectivité. « Notre point de départ est en effet la
subjectivité de l’individu et ceci pour des raisons strictement philosophiques.
Non pas parce que nous sommes bourgeois mais parce que nous voulons une
doctrine basée sur la vérité »[10] En
faisant du sujet le point de départ de toute théorie, tout comme Descartes fait
de l’homme le créateur des valeurs et de la vérité, on cesse par ricochet de
faire du sujet l’amplificateur d’une vérité décrété par un autre. Dés lors, si une chose est vraie, elle est vraie parce
qu’elle est claire et distincte à la raison du sujet. A cet effet, contrairement
à Descartes, la conscience de soi chez Sartre ne peut s’atteindre sans la
médiation de l’altérité. Le je n’a de sens que par rapport au tu. Une
conscience ne se saisit comme telle que par rapport à une autre conscience.
L’autre apparait comme un miroir qui dresse notre identité biologique. Il dira
« autrui c’est le moi qui n’est pas moi et dont je ne serai jamais ».
Tout se passe comme si les consciences sont naturellement vouées à communiquer.
Si comme le dit Husserl « toute conscience est conscience de quelque
chose », alors la conscience avec Sartre ne se manifeste que dans un
ensemble de détermination que seule la liberté octroi l’onction. Il va plus
loin en donnant à autrui une charge humanitaire, car en plus de transcender en
permanence les obstacles qui donnent un sens à sa liberté, autrui se voit attribuer chez Sartre
une responsable humanitaire. On assiste là à un débordement poussé d’une simple
altérité visant à reconnaitre une autre conscience comme la sienne. Sartre
écrit « quand nous disons que l’homme est responsable de lui-même nous ne
voulons pas dire que l’homme est responsable de sa stricte individualité, mais
qu’il est responsable de tous les hommes. (…) quand nous disons que l’homme se
choisit, nous entendons que chacun d’entre nous se choisit. Mais par là nous
voulons dire aussi qu’en se choisissant il choisit tous les hommes »[11].
Le
contenu de l’analyse précédente avait pour dessein la démonstration de la
possibilité qu’a le sujet de sortir de son solipsisme. A l’aide des penseurs
comme Aristote, Kant et Sartre, Nous avons vu qu’autrui
est non seulement condamné à faire avec
l’autre mais aussi et surtout à être responsable de lui comme la souligné
Sartre. Cependant, si tant est vrai que les consciences sont vouées à
entretenir des relations dans un cadre bien précis, comment faire régner la
quiétude entre celles-ci compte tenu du caractère belliqueux de l’homme ?
II-
L’EXIGENCE DE LA QUIETUDE AU-DELA DE CETTE INTERSUBJECTIVITE
Le
dépassement du statut restreint et marginal du sujet débouche sur une relation interpersonnelle où deux
consciences sont appelées à communiquer. Dans cette relation dualiste, ce que
nous voulons montrer c’est la nécessité qu’il y a à toujours faire régner la
paix ; bien que le sujet soit animé des tendances agressives ou qui
pourraient laisser place à l’agressivité comme l’égoïsme. Pour ce fait, la vie,
le service et la tolérance sont les concepts centraux susceptibles d’imposer la
quiétude entre les hommes.
1-
La
vie comme prince premier de cette exigence de paix
Le
principe premier d’une chose est ce qui est au fondement de cette chose. En cela, la vie est au
fondement de cette nécessité de paix. L’être humain est une entité
bidimensionnelle, mieux encore un être psychosomatique. La vie humaine ne
trouve sa totale plénitude que dans ce double rapport. Le caractère
psychosomatique de l’homme tient de ce que ce dernier est un être à la fois de
corps et d’esprit. Ces deux éléments matérialisent l’incarnation de la vie. La
vie n’a tout son sens que parce qu’il y
a un corps et un esprit. Car, un esprit sans corps est peut être la
manifestation d’un fantôme, et un corps sans esprit n’est rien d’autre qu’un agrégat d’atome, une
matière étendue. Donc, c’est parce qu’il y a corps et esprit qu’il y a vie et
comme l’esprit se sert du corps pour se manifester puis qu’il est invisible,
nous partons donc de ce que nous voyons
pour symboliser la vie : le corps. Le corps dans ce contexte est le symbole
de la vie. S’il y a vie c’est nécessairement parce qu’il y a un corps, l’esprit
étant invisible est ce qui donne au corps son énergie. Si le corps symbolise la
vie, si de manière mécanique la vie s’exprime par l’entremise du corps,
pourquoi ne pas respecter se corps ? Le respect de se corps implique logiquement le
respect de la vie et comme le dit Gisèle stanislawa SZCZYGLAK « c’est dans le respect de la vie que
l’être humain trouve le respect de son corps, la vie humaine et le corps sont
liés biologiquement et conceptuellement »[12]
respecter la vie, ce n’est pas mettre un terme à la vie encore moins éteindre
la flamme énergétique qui anime le corps. Respecter la vie ce n’est pas blesser
le corps mais c’est prendre soin de lui, c’est l’aider à s’épargner des
souffrances, c’est être en totale quiétude avec les autres. De même que le
corps est symbole de la vie, le moyen d’expression de la vie, de même
l’identité humaine se dévoile et se dresse parce qu’il y-a un corps qui lui
donne l’opportunité. Si nous nous appelons Paul, jean ou pierre, c’est parce
nous avons un corps qui nous permet de le dire. Et comme ce corps est le moyen
d’expression de la vie, alors notre identité n’est qu’une représentation, une
image conceptuelle, une façon pour la
société de nous appréhender. Bref, si nous avons une identité, c’est parce que
nous avons un corps qui exprime et symbolise la vie. Le fantôme n’a pas
d’identité parce qu’il n’a pas de corps et ne manifeste donc pas la plénitude
de la vie. Il faut donc prendre soin du
corps si on tient à la vie, à la préservation de l’espèce. C’est en cela que la
vie est le premier principe de cela que la vie est le premier principe de
l’exigence de paix.
Compte tenu de ce que le corps est le symbole de la vie, nous invitons les
hommes à prendre soin non seulement de leur corps mais aussi de celui des autres
par le respect qui lui est dû. A taire leurs appétits égoïstes et belliqueux au
nom de la vie pour sauver des corps et faire régner pour toujours la paix. S’il
est indiscutable que nous tenons à notre vie, reconnaissons tout de même que
l’autre en fait autant et pour aucun prétexte ne lui enlevons pas ce à quoi il
tient : sa vie. Les efforts de préservation de la vie ont pour corolaire
la préservation de la paix. Si la paix
est menacée, la vie l’est également ; de même que si la vie est menacée la
paix aussi. Paix et vie sont en dernière analyse consubstantielle. Si on tient
à la vie il faut qu’on soit en paix et si on tient à la paix il faut que nos
relations avec les autres soient pacifiques et harmonieuses. Pour cela, il faut
apprendre à renoncer à simplifier si non la bélicatesse prendra toujours le dessus et le chaos finira par
s’installer. Il s’agit là d’un renoncement et d’une simplification mutuelle.
Renoncer suppose rechercher le bien de tous et de chacun et par ricochet rendre la vie belle. Les hommes à l’état de
nature de Rousseau n’ont-ils pas renoncé à leur liberté pour le bien de la
communauté ? Le Léviathan de Hobbes n’est-il pas devenu Léviathan à cause d’un renoncement, ceci au
profit de tous ? Les intérêts égoïstes ne doivent pas nuire à ce que nous
avons de plus chère : la vie. Elle est déjà assez courte pour qu’on la
courcircuite davantage. Si mutuellement les uns se mettaient au service des
autres, les plus grands au service des plus petits, les plus forts au service
des plus faibles, les plus riches au service des plus pauvres et réciproquement,
comment la paix ne pourra pas régner au sein de l’humanité ?
2-
Le
service au service de la paix
Etre
au service de l’autre, c’est de prime à bord se faire petit devant l’autre
c’est –à-dire être humble ; ce que l’espèce humaine a du mal à admettre
compte tenu de son attachement à l’égoïsme, l’orgueil et la bélicatesse. Si le
respect du corps et par ricochet de la vie est tout au moins ce à quoi il faut
penser quand on se prépare à être les bourreaux de l’autre, il faut néanmoins
pour faire perdurer la quiétude entre les hommes que ceux-ci soient de manière réciproque
à leur service. Le « je » est au service du « tu » et
le « tu » est au service du « je ». Se résoudre à être au
service de l’autre, c’est prendre la ferme décision de ne pas porter attente à
sa dignité. C’est plus précisément comme le dira Kant considéré l’autre comme
une fin en soi, une valeur inaliénable et sacrée. En étant au service de
l’autre, on est au service de la paix ; on fait la promotion de la paix,
étant entendu que toujours présenter une attitude humble et de petitesse devant
l’autre, c’est garantir l’harmonie dans les relations interpersonnelles. Cette
prétention à humilité et à la petitesse doit se faire dans un strict respect.
Il est mon point question pour le grand de se rabaisser devant le petit, ou de
paraitre comme un moins que rien, mais davantage de présenter devant lui une
attitude de simplicité naturelle. Montrer aux autres qu’on n’est pas aussi
grand que ça quelque soit le statut social qu’on occupe. Le service réciproque
que les hommes se doivent, traduit cette volonté de taire nos différences
idéologiques, gage de nombreuses sources de conflit. Conflit qui emporte
derrière lui la vie. Se mettre au service de l’autre s’est s’aliéné pour entrer
dans la peau de l’autre. Entrer dans la peau de l’autre c’est se poser la
question de savoir : est-ce que j’aimerai qu’on me fasse ce que je me
prépare à faire à autrui ? Se mettre au service de l’autre c’est servir ses
intérêts et lui les miens. Est-il possible d’entrer en confrontation contre
quelqu’un qui s’est aliéné pour moi et qui sert mes intérêts moi les
siens ? Nous nous penchons pour la négative et c’est cela même qui donne un fondement
solide au service comme promotion de la paix. Auguste Comte est largement
favorable à une telle position lorsqu’il affirme que « toute l’éducation
humaine doit préparer chacun à vivre pour autrui, afin de revivre dans
autrui »[13].
Et nous poursuivons en disant et de manière réciproque. Il va plus loin en précisant la possibilité pour
le sujet de se subordonner à une existence extérieure. Voilà pourquoi il martèle « il faut que l’être se
subordonne à une existence extérieur afin d’y trouver la source de sa propre
stabilité. Or, cette condition ne peut se réaliser sous l’empire des penchants
qui disposent chacun à vivre surtout pour autrui »[14].
Il va sans dire qu’être au service de l’autre, c’est avoir pour leitmotiv la tolérance qui, a posteriori
semble ne pas être négligeable dans la promotion de la paix.
3. La culture de la tolérance
Plusieurs
confrontations entre les peuples d’une même nation ont prouvé que la culture de
la tolérance reste une des conditions incontournables dans la promotion de la
paix. Etre tolérant c’est dans une certaine mesure pardonné. Nous avons bien
conscience du jeu d’intérêt qui régule les rapports humains. Quid de la
convoitise ? Si tant est vrai que nous sommes tous véritablement unis par
le gout à la vie, il serait alors judicieux de tout ménager pour que tous nous vivons et le plus longtemps
possible. La tolérance dans ce cadre apparait comme une mesure salvatrice. Tout en adoptant une attitude de simplification
mutuelle, il faut toujours avoir présent à l’esprit la logique de la tolérance.
Une tolérance mutuelle, car si « je » tolère « tu » et « tu »
en fais autant, l’existence serait harmonieuse. Le but ici étant l’effort croissant de taire son animalité c'est-à-dire
sa bélicatesse pour davantage faire régner la raison. L’humanité gagnerait à
mettre sur pied des dispositions visant à faire régner la paix à long terme car loin d’être gangrené par des
facteurs internes comme l’égoïsme, la paix semble aussi être menacée par des facteurs
externes comme la problématique du réchauffement climatique qui empêche aux
hommes de mener une existence épanouie. Notre préoccupation actuelle repose sur
des facteurs internes et la tolérance met une croix rouge sur la bélicatesse de
l’homme et ouvre une brèche à la stabilité et à la quiétude dans les rapports
intersubjectifs. Il en va de même pour le service et la vie. Nous avons la
ferme certitude de penser que le génocide Rwandais appelé génocide des Tutsi
n’aurait pas eu une telle ampleur ou n’aurait même pas excité si les Hutus
étaient on ne peut plus tolérant envers les Tutsi et inversement. S’ils ne mettaient pas en avant leurs instincts belliqueux.
Mais, parce que les bélicatesse et l’égoïsme ont pris le dessus, la tolérance a
brillé par son absence et le 7 avril 1994 au 17 juillet 1994 seront considérés
comme des jours noirs au Rwanda et quasiment 800.000 personnes ne seraient pas
en perte. Cette image décrit combien il est important de tolérer si on tient à
vivre dans la quiétude car rien n’est possible à l’absence de cette quiétude
absolument rien. Donc, pour qu’on soit dans le meilleur des mondes possible il
faut être en parfaite harmonie, d’abord
avec nous même ensuite avec les autres et enfin avec la nature. Eu égard à cette absence de
volonté de vouloir dissoudre la bélicatesse que nous portons en nous, cette
absence de tolérance, l’affrontement
Seleka - Anti-balaka en RCA n’a pas manqué de dégénérer en guerre civile
fratricide. Il est donc clair qu’il est dans la nature des hommes de vouloir réciproquement
s’autodétruire. Se serait naïf de baigner dans cette nature et de ne rien faire
pour la transcender. L’idéal serait donc de faire hisser perpétuellement les valeurs
comme le service, la tolérance et enfin la vie comme principe unificateur de
l’existence et qui pour cela se doit d’être respecté de tous et ce respect
exige sa préservation et non sa destruction.
Conclusion
En définitive, rappelons
qu’il a été question au terme de cette réflexion d’examiner le problème de la nécessité de la paix au-delà du caractère belliqueux et
égoïste de l’homme. Dans une première démarche, nous avons démontré la
possibilité pour le sujet de sortir de son solipsisme pour reconnaître l’autre
et d’entretenir des relations avec lui. Cette rencontre avec l’autre laisse
place nécessaire à deux voies à celle du conflit et à celle de l’harmonie.
C’est compte tenu de cela que nous pensons dans la seconde démarche qu’il y a urgence pour l’homme de
taire son appétit égoïste et belliqueux
afin que puisse régner l’harmonie. Perpétuer le règne de l’harmonie, de
la quiétude revient à aimer la vie, à être dévoué au service de l’autre et à
cultiver la tolérance.
REFERENCE
BIBLIOGRAPHIQUE
1-
René Descartes, Discours de la méthode,
Paris, Fernand Nathan, 1981
2-
Kant Emmanuel, Critique de la raison pure,
Avenue Ronsard, PUF, 1986
3- Emile Chartier, propos
II, 22 décembre 1910, pléiade
4- René Descartes Méditations
métaphysique, Texte intégral, 1973
5- Aristote, La
politique, I, 2, 1252a, trad. J. Tricot, J. Vrin
6- Jean Paul Sartre, L’existentialisme est un humanisme, Paris, Gallimard, 1996
7- Gisèle stanislawa
SZCZYGLAK, Les
fondements de l’identité humaine : politique d’une
usurpation, Paris, Harmattan, 2003
8-
Comte, système de politique positive,
tome II, 1852
9- Comte, système de politique positive,
Introduction fondamentale, Chapitre troisième, 1851
[1] René
Descartes, Discours de la méthode,
Paris, Fernand Nathan, 1981, P. 54.
[2] Kant
Emmanuel, Critique de la raison pure,
Avenue Ronsard, PUF, 1986, P. 205.
[4] Op.cit.
P. 54
[5] René
Descartes, Méditations métaphysiques,
Texte intégral, 1973, P.47.
[6] Op.cit. P. 54
[7]
Op.cit. P. 43
[8]
Aristote, La politique, I, 2, 1252a,
trad. J. Tricot, J. Vrin, PP. 24-25.
[9] Op.cit.
P. 206
[10] Jean
Paul Sartre, L’existentialisme est un
humanisme, Paris, Gallimard, 1996, PP. 56-57.
[11] Ibid.
P. 31
[12] Gisèle stanislawa SZCZYGLAK, Les fondements de l’identité humaine :
politique d’une usurpation, Paris, Harmattan, 2003, P.32
[13] Comte, système de politique positive, tome II,
1852, P.371
[14] Comte, système de politique positive,
Introduction fondamentale, Chapitre troisième, 1851, P.700