dimanche 17 mai 2015

DE LA SUBJECTIVITE A L’INTERSUBJECTIVITE : NECESSITE D’UNE RELATION PAISIBLE



DE LA SUBJECTIVITE A L’INTERSUBJECTIVITE : NECESSITE D’UNE RELATION PAISIBLE

Introduction
I- Démonstration du passage
1- René Descartes et le cogito
2- Aristote, Kant, Sartre et la reconnaissance de l’autre

II- L’exigence de la quiétude au delà de cette intersubjectivité
1- La vie comme principe premier de cette exigence de paix
2- Le service au service de la paix
3- La culture de la tolérance
Conclusion


INTRODUCTION
Une façon d’introduire notre article consiste à partir d’un double regard. Etant entendu que le titre lui même laisse entrevoir une double orientation, il est impérieux pour nous d’en tenir compte. Le premier versant met en exergue une démarcation entre le caractère solipsiste du  sujet et son ouverture à l’altérité. Le second pan quant à lui, soulève le contraste dans la nature des rapports intersubjectifs. Plus précisément dans le caractère pacifique  et conflictuel de ces rapports. Dans notre analyse, nous tenterons d’évaluer chronologiquement en vue de dépasser ces deux versants et aboutir à l’idée que la paix reste et demeure incontournable. Ce double préambule dont  nous ne faisons que parer l’arrivée tient de ce que la subjectivité implique du solipsisme au sens cartésien et l’intersubjectivité, une façon de concevoir les relations interpersonnelles.
Après avoir hissé le cogito comme premier principe de la philosophie, René Descartes émet une supposition. Il affirme : « examinant avec attention ce que j’étais, et voyant que je pouvais feindre que je n’avais aucun corps et qu’il n’y avait aucun monde, ni aucun lien où je fusse, mais que je ne pouvais pas feindre, pour cela, que je n’étais point, et qu’au contraire, de cela même que je pensais à douter de la vérité des autres choses, il suivait très évidement et très certainement que j’étais… »[1] Par cette supposition, Descartes entérine l’idée selon laquelle le sujet a la possibilité de vivre replier sur lui-même sans rapport  avec le monde extérieur, avec l’autre. Ce entant qu’il est un sujet pensant. Un tel point de  vue contraste avec celui de KANT pour qui la saisie des choses n’est non pas seulement rationnelle comme le fait Descartes,  mais aussi empirique. C’est la raison pour laquelle il affirme : « la conscience simple, mais empiriquement déterminée, de ma propre existence, prouve l’existence des objets dans l’espace et hors de moi »[2]. Une telle opposition d’idées nous invite à méditer sur la véritable conception du sujet. S’il n’est pas plus aisé de le considérer comme être purement solipsiste ou alors s’il faut le prendre dans une double relation avec l’autre sujet. C’est cette double relation qui suscite en nous un second préambule. En affirmant que « les hommes eurent toujours  un grand besoin de s’aimer les uns les autres »[3], Alain voulait par là nous faire comprendre que les relations entre les hommes sont foncièrement harmonieuses. Ce point de vue n’est pas du tout partagé par Nietzsche qui pense que la relation avec l’autre est faite de douleur, de souffrance et de conflit. Voilà pourquoi il affirme : « la souffrance d’autrui est chose qui doit s’apprendre : et jamais elle ne peut être apprise pleinement ». De ces deux thèses anti- thétiques découle le problème de la nécessité de la paix au regard de la prédominance de caractère belliqueux et égoïste qui anime l’homme. Comment comprendre, au regard de la conception du sujet et de la nature des rapports interpersonnelles, la nécessité qu’il y a pour le sujet de taire son appétit Solipsiste pour entrer en relation avec l’autre ? Le cadre social n’est-il pas une mesure astreignante propice à de telle relation ? Si l’on admet que les sujets sont voués à collaborer, et qu’ils sont naturellement portés à être belliqueux, comment transcender le conflit pour promouvoir l’harmonie et la paix entre ceux-ci ?
I- DEMONSTRATION DU PASSAGE DE LA SUBJECTIVITE  A L’INTERSUBJECTIVITE
L’intitulé de ce chapitre laisse transparaitre son contenu. Il est bien question de montrer  avec l’appui des penseurs comme Aristote, Kant et Sartre la nécessité  qu’il y-a pour le sujet de sortir de son manoir pour faire avec les autres. Mais avant ceux-ci, nous montrerons avec Descartes comment le sujet est enfermé sur lui-même sans ouverture avec les autres.
1.      Descartes et le cogito
Une clarification lexicale voudrait que le terme cogito soit considéré  comme une conjugaison à la première personne du singulier du verbe cogitare (penser en latin). Donc cogito plus simplement signifie je pense. Ce je pense est au cœur de toute la philosophie de Descartes et constitue même un appui considérable à l’anthropocentrisme socratique. Dans l’intention de trouver un fondement solide sur lequel bâtir l’édifice de la connaissance, Descartes prend appui sur le sujet en tant que être pensant. Cette initiative le pousse à douter. Le doute devient  donc non pas une simple attitude qui parait vulgaire, mais une méthode. De ce doute, qui a une envergure hyperbolique nait la première évidence : le Cogito. Comment Descartes en arrive là ?
L’évidence chez Descartes, c’est ce qui est clair et distinct précisément ce dont on ne peut plus douter. La première évidence est donc le résultat de cette démarche méthodique  qui est le doute. Descartes commence tout d’abord par douter des réalités sensibles à travers l’analyse du morceau de cire (cf. méditation P.41). De là Descartes  conclut que les sens sont trompeurs. Il affirme : « Ainsi à cause que nos sens nous trompent quelquefois, je voulus supposer qu’il n’y avait aucune chose qui fut telles qu’ils nous la font imaginer »[4]. Ensuite, Descartes doute des évidences mathématiques, vu qu’il est question de trouver quelque chose qui pourrait résister au doute. Stupéfait de leur cohérence et de leur véracité, Descartes ébranle les évidences mathématiques à travers l’hypothèse de malin génie. Le malin génie serait ce petit Dieu trompeur qui plonge Descartes dans l’incertitude lorsqu’il examine une opération mathématique et il se laisse emporter « Me trompe qui pourra, si est-ce qu’il ne saurait jamais  faire que je ne sois rien tandis que je penserai être quelque chose, ou que quelque jour il soit vrai que je n’aie- jamais été étant vrai maintenant que je suis, ou bien que deux et trois joints ensemble fassent plus ni moins que cinq ou choses semblables, que je vois clairement ne pouvoirs être d’autre façon que je les conçois »[5]. Et enfin, Descartes doute de sa propre existence. Il s’avère que  le fait qu’il pense soit la chose qui résiste à son doute. C’est à ce stade que le cogito apparait comme la première évidence. La première vérité qui résiste à son doute. Voilà pourquoi il affirme « Mais, aussitôt après, je pris garde que, pendant que je voulais ainsi penser que tout était faux, il fallait nécessairement que moi, qui pense fusse quelque chose. Et remarquant que cette vérité : je pense, donc je suis, était si ferme et si assurée, que toutes les extravagantes suppositions des sceptiques n’étaient pas capable de l’ébranler, je jugeai que je pouvais la recevoir, sans scrupule, pour le premier principe de la philosophie que je cherchais »[6] Descartes a à cet effet trouvé ce dont il avait besoin pour bâtir son édifice épistémologique. Le cogito encore mieux la subjectivité, en tant que fondement de toute une disposition gnoséologique reste enfermer  sur lui-même dans le premier moment de la réflexion cartésienne : Le solipsisme. Comment reconnaitre le caractère solipsiste de la conscience chez Descartes ?
S’assimilant en dernière analyse avec l’exercice de l’activité pensante, le cogito cartésien se donne dans un mouvement de réflexion de soi même, de conversion vers l’intériorité pure. Un retour de soi sur soi. Cette conversion vers l’intériorité pure le renferme sur lui-même et rend impossible une probable communication  avec le monde extérieur. L’entreprise du doute n’est rien d’autre que la manifestation de ce mouvement de réflexion de soi sur soi même. C’est l’essentielle de l’idée du solipsisme qui se défini comme étant cette doctrine philosophique qui affirme que le sujet pensant constitue l’unique réalité. Partant de là, la seule chose qui est sûre et certaine chez Descartes c’est que ‘‘Je pense’’. Le cogito cartésien ne saisit les choses que par l’entremise de l’esprit, ce qui est tout à fait logique vu que le postulat c’est que les sens sont trompeurs. On assiste donc avec l’auteur du traité des passions à une saisie uniquement rationnelle du monde. Ce qui ne laissera pas Kant indifférent, qui du coup taxera sa philosophie d’ « idéalisme problématique ». Descartes illustre le caractère solipsiste du cogito à travers une image. Il  écrit : « si par hasard je ne regardai d’une fenêtre des hommes qui passent dans la rue à la vue desquels je ne manque pas de dire que je vois des hommes, tout de même que je dis que je vois de la cire ; et cependant que vois-je de cette fenêtre, sinon des chapeaux et des manteaux qui pourraient couvrir des machines artificielles qui ne se remueraient que par ressort ? Mais je juge que se sont des hommes, et ainsi je comprends par la seule puissance de juger, qui réside en mon esprit, ce que je croyais de mes yeux. »[7] De cette image, il ressort que la lecture empirique, celle la qui se fait à partir des sens est largement insuffisante pour affirmer l’existence des hommes car nous ne voyons pas des hommes mais uniquement des chapeaux et des manteaux ; et pour voir que se sont des hommes il faille au préalable l’intervention du jugement.  Donc, l’affirmation de l’existence des hommes est en réalité une expression de mon esprit. C’est plus précisément une déduction du cogito qui n’a pas le même degré  de certitude que sa propre conscience vu qu’il ne se saisit que par l’acte du doute. En vue d’ouvrir une brèche à la critique, nous partirons de la deuxième évidence qui  est celle  de l’affirmation de l’existence de Dieu « la preuve anthologique » et qui soulève beaucoup d’ambiguïté. Descartes commet l’irréparable en faisant de Dieu  une substance alors que le cogito en était déjà une autre. Pour finir à qui devons-nous nous fier pour marcher avec assurance en cette vie : à la raison (cogito) ou à l’être suprême (Dieu) ?
De ce qui précède, il ressort que le cogito en tant que fondement, entant que substance présente un caractère  de repli sur soi sans communication possible avec les autres. Cependant, comment Aristote, Kant et Sartre entrevoient-ils la possibilité d’une altérité ; d’une ouverture du sujet au monde extérieur ?
2.      Aristote, Kant, Sartre, et la reconnaissance de l’autre.
Née d’un médecin (Nicomaque), Aristote, au regard du fait que l’art médical se transmettait de père en fils était dés ses origines prédestiné à étudier la vie. C’est la raison pour laquelle la compréhension du monde exige non pas une contemplation des idées dans un ciel intelligible mais une observation minutieuse de celui-ci. De cette observation, Aristote en dégage 3 formes de vie ; étant entendu que chaque chose dans la nature participe à la réalisation maximale de chacune de cette vie. Il distingue l’âme végétale pour la vie des plantes, sensitive pour les animaux et cognitifs propres aux hommes. La question de l’altérité, de l’ouverture à l’autre s’impose dans la logique  Aristotéliciennes. Toutefois, c’est la dernière forme de vie qui attire notre attention. Non sans occulter que chez Aristote ces trois formes de vie n’ont pas les mêmes degrés de représentation. L’âme cognitive étant supérieure à celle dite sensitive celle-ci étant aussi supérieur à l’âme végétative. Selon Aristote l’être humain est naturellement porté à faire avec les autres, à s’unir avec l’autre. Il en est  de même pour les deux autres formes de vie, car le postulat étant la volonté de pérenniser  l’espèce. Contrairement à Descartes qui renferme le sujet sur lui-même, Aristote estime que c’est un peu plus absurde vu que la nature est une loi de comportement, et en tant que tel, il est dans la nature des vivants non pas d’être solipsiste, de vivre en solitaire mais de s’unir. La vie ne trouve tout son sens que dans cette union étant entendu que c’est elle qui concourt à la préservation naturelle de toute l’espèce. Cette union loin d’être semblable à celle d’un homme et une femme, embrasse également l’union des individus et des peuples qui veulent mieux organiser leur société pour bien être et le plein épanouissement de tous. Il déclare à ce propos : « La première union est celle de deux êtres qui sont incapables d’exister l’un sans l’autre : c’est le cas pour le mâle et la femelle en vue de la procréation. (Et cette union n’a rien d’arbitraire, mais comme dans les autres espèces animales et chez les plantes, il s’agit d’une tendance naturelle à laisser après soi un autre être semblable à soi) ; c’est encore l’union de celui dont la nature est de commander avec celui dont la nature est d’être commandé, en vue de leur conservation commune.»[8]
Une  analyse épistémologique range Emmanuel KANT parmi les philosophes de la troisième voie. La première étant les rationalistes, la deuxième les empiristes et la troisième l’association des deux. C’est cette position qui fait de Kant un philosophe agnostique. Pour ce dernier, la saisie uniquement rationnelle des phénomènes ne suffit pas, non plus la saisie uniquement empirique. L’on sait de Kant qu’il est impossible de connaitre hors des cadres a priori de la sensibilité (l’espace et le temps). L’espace et le temps nous ouvrent les portes de la phénoménologie, donc on ne peut connaitre que le phénomène. L’association de la raison avec l’expérience est le moyen le plus sûr pouvant permettre de saisir le phénomène. Dans l’intention d’échapper au solipsisme et de mettre le cogito en relation immédiate avec le monde extérieur, avec d’autres subjectivités, Kant estime qu’il est impossible pour le sujet cartésien de saisir les choses uniquement par le biais de la pensée c'est-à-dire de la raison. En faisant de la conception du Cogito cartésien un idéalisme problématique, Kant stigmatise cette non saisie rationnelle et empirique des choses. L’idéalisme problématique de Descartes ne suppose surtout pas que les choses hors de la conscience n’existent pas, mais qu’elles sont simplement douteuses et indémontrable. Il est donc question pour Kant de briser cette incapacité à démontrer les choses hors  de la conscience. C’est en ce sens qu’il estime que la raison doit être accompagnée de l’expérience plus précisément l’expérience sensible. Ma conscience ne trouve sa plénitude que dans un espace temps.  Cette espace temps la détermine et la pousse à reconnaitre un ensemble de détermination extérieur à elle. C’est à ce niveau qu’intervient l’expérience sensible que Descartes a radicalement remis en question. Cette expérience est incontournable dans la mesure où elle permet d’entériner et de conclure les différentes constatations de la raison. Ce qui veut dire qu’en regardant de l’autre côté de sa fenêtre, Descartes aurait pu voir des hommes et nom des machines artificielles recouvert de chapeau et de manteau, si au préalable il n’avait pas douté des sens, si les sens n’étaient pas trompeur. Voilà pourquoi Emmanuel Kant affirme : « Or, la conscience dans le temps est liée nécessairement à la conscience de la possibilité de cette détermination de temps. Elle est donc liée nécessairement aussi à l’existence des choses hors de moi, comme à la condition de la détermination de temps ; c’est à dire que la conscience de ma propre existence est en même temps une conscience immédiate de l’existence d’autres choses hors de moi. »[9]
Sartre va certes examiner une approche visant à ouvrir le sujet au monde extérieur, à une possible altérité. Mais avant il partage le même point de départ que Descartes : la subjectivité. «  Notre point de départ est en effet la subjectivité de l’individu et ceci pour des raisons strictement philosophiques. Non pas parce que nous sommes bourgeois mais parce que nous voulons une doctrine basée sur la vérité »[10] En faisant du sujet le point de départ de toute théorie, tout comme Descartes fait de l’homme le créateur des valeurs et de la vérité, on cesse par ricochet de faire du sujet l’amplificateur d’une vérité décrété par un autre. Dés lors,  si une chose est vraie, elle est vraie parce qu’elle est claire et distincte à la raison du sujet. A cet effet, contrairement à Descartes, la conscience de soi chez Sartre ne peut s’atteindre sans la médiation de l’altérité. Le je n’a de sens que par rapport au tu. Une conscience ne se saisit comme telle que par rapport à une autre conscience. L’autre apparait comme un miroir qui dresse notre identité biologique. Il dira « autrui c’est le moi qui n’est pas moi et dont je ne serai jamais ». Tout se passe comme si les consciences sont naturellement vouées à communiquer. Si comme le dit Husserl « toute conscience est conscience de quelque chose », alors la conscience avec Sartre ne se manifeste que dans un ensemble de détermination que seule la liberté octroi l’onction. Il va plus loin en donnant à autrui une charge humanitaire, car en plus de transcender en permanence les obstacles qui donnent un sens  à sa liberté, autrui se voit attribuer chez Sartre une responsable humanitaire. On assiste là à un débordement poussé d’une simple altérité visant à reconnaitre une autre conscience comme la sienne. Sartre écrit « quand nous disons que l’homme est responsable de lui-même nous ne voulons pas dire que l’homme est responsable de sa stricte individualité, mais qu’il est responsable de tous les hommes. (…) quand nous disons que l’homme se choisit, nous entendons que chacun d’entre nous se choisit. Mais par là nous voulons dire aussi qu’en se choisissant il choisit tous les hommes »[11].
Le contenu de l’analyse précédente avait pour dessein la démonstration de la possibilité qu’a le sujet de sortir de son solipsisme. A l’aide des penseurs comme Aristote, Kant et Sartre, Nous avons vu qu’autrui est non seulement  condamné à faire avec l’autre mais aussi et surtout à être responsable de lui comme la souligné Sartre. Cependant, si tant est vrai que les consciences sont vouées à entretenir des relations dans un cadre bien précis, comment faire régner la quiétude entre celles-ci compte tenu du caractère belliqueux de l’homme ?
II- L’EXIGENCE DE LA QUIETUDE AU-DELA DE CETTE INTERSUBJECTIVITE
Le dépassement du statut restreint et marginal du sujet débouche  sur une relation interpersonnelle où deux consciences sont appelées à communiquer. Dans cette relation dualiste, ce que nous voulons montrer c’est la nécessité qu’il y a à toujours faire régner la paix ; bien que le sujet soit animé des tendances agressives ou qui pourraient laisser place à l’agressivité comme l’égoïsme. Pour ce fait, la vie, le service et la tolérance sont les concepts centraux susceptibles d’imposer la quiétude entre les hommes.
1-                La vie comme prince premier de cette exigence de paix
Le principe premier d’une chose est ce qui est au fondement  de cette chose. En cela, la vie est au fondement de cette nécessité de paix. L’être humain est une entité bidimensionnelle, mieux encore un être psychosomatique. La vie humaine ne trouve sa totale plénitude que dans ce double rapport. Le caractère psychosomatique de l’homme tient de ce que ce dernier est un être à la fois de corps et d’esprit. Ces deux éléments matérialisent l’incarnation de la vie. La vie n’a tout son sens que parce qu’il  y a un corps et un esprit. Car, un esprit sans corps est peut être la manifestation d’un fantôme, et un corps sans esprit n’est  rien d’autre qu’un agrégat d’atome, une matière étendue. Donc, c’est parce qu’il y a corps et esprit qu’il y a vie et comme l’esprit se sert du corps pour se manifester puis qu’il est invisible, nous partons donc  de ce que nous voyons pour symboliser la vie : le corps. Le corps dans ce contexte est le symbole de la vie. S’il y a vie c’est nécessairement parce qu’il y a un corps, l’esprit étant invisible est ce qui donne au corps son énergie. Si le corps symbolise la vie, si de manière mécanique la vie s’exprime par l’entremise du corps, pourquoi ne pas respecter se corps ? Le respect  de se corps  implique logiquement le respect de la vie et comme le dit Gisèle stanislawa SZCZYGLAK  « c’est dans le respect de la vie que l’être humain trouve le respect de son corps, la vie humaine et le corps sont liés biologiquement et conceptuellement »[12] respecter la vie, ce n’est pas mettre un terme à la vie encore moins éteindre la flamme énergétique qui anime le corps. Respecter la vie ce n’est pas blesser le corps mais c’est prendre soin de lui, c’est l’aider à s’épargner des souffrances, c’est être en totale quiétude avec les autres. De même que le corps est symbole de la vie, le moyen d’expression de la vie, de même l’identité humaine se dévoile et se dresse parce qu’il y-a un corps qui lui donne l’opportunité. Si nous nous appelons Paul, jean ou pierre, c’est parce nous avons un corps qui nous permet de le dire. Et comme ce corps est le moyen d’expression de la vie, alors notre identité n’est qu’une représentation, une image conceptuelle,  une façon pour la société de nous appréhender. Bref, si nous avons une identité, c’est parce que nous avons un corps qui exprime et symbolise la vie. Le fantôme n’a pas d’identité parce qu’il n’a pas de corps et ne manifeste donc pas la plénitude de la vie.  Il faut donc prendre soin du corps si on tient à la vie, à la préservation de l’espèce. C’est en cela que la vie est le premier principe de cela que la vie est le premier principe de l’exigence de paix.
            Compte tenu de ce que le corps  est le symbole de la vie, nous invitons les hommes à prendre soin non seulement de leur corps mais aussi de celui des autres par le respect qui lui est dû. A taire leurs appétits égoïstes et belliqueux au nom de la vie pour sauver des corps et faire régner pour toujours la paix. S’il est indiscutable que nous tenons à notre vie, reconnaissons tout de même que l’autre en fait autant et pour aucun prétexte ne lui enlevons pas ce à quoi il tient : sa vie. Les efforts de préservation de la vie ont pour corolaire la préservation de la  paix. Si la paix est menacée, la vie l’est également ; de même que si la vie est menacée la paix aussi. Paix et vie sont en dernière analyse consubstantielle. Si on tient à la vie il faut qu’on soit en paix et si on tient à la paix il faut que nos relations avec les autres soient pacifiques et harmonieuses. Pour cela, il faut apprendre à renoncer à simplifier si non la bélicatesse prendra  toujours le dessus et le chaos finira par s’installer. Il s’agit là d’un renoncement et d’une simplification mutuelle. Renoncer suppose rechercher le bien de tous et de chacun et par ricochet  rendre la vie belle. Les hommes à l’état de nature de Rousseau n’ont-ils pas renoncé à leur liberté pour le bien de la communauté ? Le Léviathan de Hobbes n’est-il pas devenu  Léviathan à cause d’un renoncement, ceci au profit de tous ? Les intérêts égoïstes ne doivent pas nuire à ce que nous avons de plus chère : la vie. Elle est déjà assez courte pour qu’on la courcircuite davantage. Si mutuellement les uns se mettaient au service des autres, les plus grands au service des plus petits, les plus forts au service des plus faibles, les plus riches au service des plus pauvres et réciproquement, comment la paix ne pourra pas régner au sein de l’humanité ?
2-           Le service au service de la paix
Etre au service de l’autre, c’est de prime à bord se faire petit devant l’autre c’est –à-dire être humble ; ce que l’espèce humaine a du mal à admettre compte tenu de son attachement à l’égoïsme, l’orgueil et la bélicatesse. Si le respect du corps et par ricochet de la vie est tout au moins ce à quoi il faut penser quand on se prépare à être les bourreaux de l’autre, il faut néanmoins pour faire perdurer la quiétude entre les hommes que ceux-ci soient de manière réciproque à leur service. Le  « je » est au service du « tu » et le « tu » est au service du « je ». Se résoudre à être au service de l’autre, c’est prendre la ferme décision de ne pas porter attente à sa dignité. C’est plus précisément comme le dira Kant considéré l’autre comme une fin en soi, une valeur inaliénable et sacrée. En étant au service de l’autre, on est au service de la paix ; on fait la promotion de la paix, étant entendu que toujours présenter une attitude humble et de petitesse devant l’autre, c’est garantir l’harmonie dans les relations interpersonnelles. Cette prétention à humilité et à la petitesse doit se faire dans un strict respect. Il est mon point question pour le grand de se rabaisser devant le petit, ou de paraitre comme un moins que rien, mais davantage de présenter devant lui une attitude de simplicité naturelle. Montrer aux autres qu’on n’est pas aussi grand que ça quelque soit le statut social qu’on occupe. Le service réciproque que les hommes se doivent, traduit cette volonté de taire nos différences idéologiques, gage de nombreuses sources de conflit. Conflit qui emporte derrière lui la vie. Se mettre au service de l’autre s’est s’aliéné pour entrer dans la peau de l’autre. Entrer dans la peau de l’autre c’est se poser la question de savoir : est-ce que j’aimerai qu’on me fasse ce que je me prépare à faire à autrui ? Se mettre au service de l’autre c’est servir ses intérêts et lui les miens. Est-il possible d’entrer en confrontation contre quelqu’un qui s’est aliéné pour moi et qui sert mes intérêts moi les siens ? Nous nous penchons pour la négative  et c’est cela même qui donne un fondement solide au service comme promotion de la paix. Auguste Comte est largement favorable à une telle position lorsqu’il affirme que « toute l’éducation humaine doit préparer chacun à vivre pour autrui, afin de revivre dans autrui »[13]. Et nous poursuivons en disant et de manière réciproque. Il  va plus loin en précisant la possibilité pour le sujet de se subordonner à une existence extérieure. Voilà pourquoi  il martèle « il faut que l’être se subordonne à une existence extérieur afin d’y trouver la source de sa propre stabilité. Or, cette condition ne peut se réaliser sous l’empire des penchants qui disposent chacun à vivre surtout pour autrui »[14]. Il va sans dire qu’être au service de l’autre, c’est avoir pour  leitmotiv la tolérance qui, a posteriori semble ne pas être négligeable dans la promotion de la paix.
3.      La culture  de la tolérance
Plusieurs confrontations entre les peuples d’une même nation ont prouvé que la culture de la tolérance reste une des conditions incontournables dans la promotion de la paix. Etre tolérant c’est dans une certaine mesure pardonné. Nous avons bien conscience du jeu d’intérêt qui régule les rapports humains. Quid de la convoitise ? Si tant est vrai que nous sommes tous véritablement unis par le gout à la vie, il serait alors judicieux de tout ménager pour que  tous nous vivons et le plus longtemps possible. La tolérance dans ce cadre apparait comme une mesure salvatrice.  Tout en adoptant une attitude de simplification mutuelle, il faut toujours avoir présent à l’esprit la logique de la tolérance. Une tolérance mutuelle, car si « je » tolère « tu » et « tu » en fais autant, l’existence serait harmonieuse. Le but ici étant l’effort  croissant de taire son animalité c'est-à-dire sa bélicatesse pour davantage faire régner la raison. L’humanité gagnerait à mettre sur pied des dispositions visant à faire régner la paix à long  terme car loin d’être gangrené par des facteurs internes comme l’égoïsme, la paix semble aussi être menacée par des facteurs externes comme la problématique du réchauffement climatique qui empêche aux hommes de mener une existence épanouie. Notre préoccupation actuelle repose sur des facteurs internes et la tolérance met une croix rouge sur la bélicatesse de l’homme et ouvre une brèche à la stabilité et à la quiétude dans les rapports intersubjectifs. Il en va de même pour le service et la vie. Nous avons la ferme certitude de penser que le génocide Rwandais appelé génocide des Tutsi n’aurait pas eu une telle ampleur ou n’aurait même pas excité si les Hutus étaient on ne peut plus tolérant envers les Tutsi et inversement. S’ils ne mettaient  pas en avant leurs instincts belliqueux. Mais, parce que les bélicatesse et l’égoïsme ont pris le dessus, la tolérance a brillé par son absence et le 7 avril 1994 au 17 juillet 1994 seront considérés comme des jours noirs au Rwanda et quasiment 800.000 personnes ne seraient pas en perte. Cette image décrit combien il est important de tolérer si on tient à vivre dans la quiétude car rien n’est possible à l’absence de cette quiétude absolument rien. Donc, pour qu’on soit dans le meilleur des mondes possible il faut être  en parfaite harmonie, d’abord avec nous même ensuite avec les autres et enfin avec  la nature. Eu égard à cette absence de volonté de vouloir dissoudre la bélicatesse que nous portons en nous, cette absence de tolérance, l’affrontement  Seleka - Anti-balaka en RCA n’a pas manqué de dégénérer en guerre civile fratricide. Il est donc clair qu’il est dans la nature des hommes de vouloir réciproquement s’autodétruire. Se serait naïf de baigner dans cette nature et de ne rien faire pour la transcender. L’idéal serait donc de faire hisser perpétuellement les valeurs comme le service, la tolérance et enfin la vie comme principe unificateur de l’existence et qui pour cela se doit d’être respecté de tous et ce respect exige sa préservation et non sa destruction.
                                                Conclusion
En définitive, rappelons qu’il a été question au terme de cette réflexion d’examiner le problème  de la nécessité  de la paix au-delà du caractère belliqueux et égoïste de l’homme. Dans une première démarche, nous avons démontré la possibilité pour le sujet de sortir de son solipsisme pour reconnaître l’autre et d’entretenir des relations avec lui. Cette rencontre avec l’autre laisse place nécessaire à deux voies à celle du conflit et à celle de l’harmonie. C’est compte tenu de cela que nous pensons dans la seconde  démarche qu’il y a urgence pour l’homme de taire  son appétit égoïste  et belliqueux  afin que puisse régner l’harmonie. Perpétuer le règne de l’harmonie, de la quiétude revient à aimer la vie, à être dévoué au service de l’autre et à cultiver la tolérance.
REFERENCE BIBLIOGRAPHIQUE
1- René Descartes, Discours de la méthode, Paris, Fernand Nathan, 1981

2- Kant Emmanuel, Critique de la raison pure, Avenue Ronsard, PUF, 1986

3- Emile Chartier,  propos II, 22 décembre 1910,  pléiade
4- René Descartes Méditations métaphysique, Texte intégral, 1973
5- Aristote, La politique, I, 2, 1252a, trad. J. Tricot, J. Vrin
6- Jean Paul Sartre, L’existentialisme est un humanisme, Paris, Gallimard, 1996
7- Gisèle stanislawa SZCZYGLAK, Les fondements de l’identité humaine : politique d’une usurpation, Paris, Harmattan, 2003
8- Comte, système de politique positive, tome II, 1852

9- Comte, système de politique positive, Introduction fondamentale, Chapitre troisième, 1851


[1] René Descartes, Discours de la méthode, Paris, Fernand Nathan, 1981, P. 54.
[2] Kant Emmanuel, Critique de la raison pure, Avenue Ronsard, PUF, 1986, P. 205.
[3]Emile Chartier,  propos II, 22 décembre 1910,  pléiade P. 193
[4] Op.cit. P. 54 
[5] René Descartes, Méditations métaphysiques, Texte intégral, 1973, P.47.
[6] Op.cit. P. 54 
[7]  Op.cit. P. 43
[8] Aristote, La politique, I, 2, 1252a, trad. J. Tricot, J. Vrin, PP. 24-25.
[9] Op.cit. P. 206 
[10] Jean Paul Sartre, L’existentialisme est un humanisme, Paris, Gallimard, 1996, PP. 56-57.
[11] Ibid. P. 31
[12] Gisèle stanislawa SZCZYGLAK, Les fondements de l’identité humaine : politique d’une usurpation, Paris, Harmattan, 2003, P.32
[13] Comte, système de politique positive, tome II, 1852, P.371
[14] Comte, système de politique positive, Introduction fondamentale, Chapitre troisième, 1851, P.700