LA NATURE DES RAPPORTS AVEC AUTRUI
En vue d’aider nos apprenants à
mieux comprendre la notion d’autrui plus précisément le problème de la nature
des rapports intersubjectifs, nous essayerons dans cet article aussi infime
soit-il d’examiner le contraste qui existe entre autrui et son alter ego. Il
s’avère, au premier regard que cette relation soit parsemée des moments
conflictuels et des moments pacifiques.
I- LES RELATIONS CONFLICTUELLES
Par relations
conflictuelles nous entendons les rapports émaillés par les conflits,
c’est-à-dire les discordes, les assujettissements, les oppositions qui peuvent
dériver de la différence de tempéraments de conceptions ou d’intérêts entre les
hommes. Le statut dualiste d’autrui en
tant qu’individualité exclusive et sujet
semblable à moi l’emmène souvent à s’opposer à moi pour ainsi s’affirmer
d’une part, et à être en harmonie avec moi d’autre part. De ce point de vue,
nous étudierons ici les rapports d’aliénation, de haine et de sadisme que nous
entretenons avec l’autre, sans oublier que par un retournement dialectique,
nous formons parfois avec lui, un groupe d’intérêts communs.
1 Rapport d’aliénation et d’assujettissement
Machiavel faisait valoir que
l’essence de l’homme c’est le conflit, conflit qui repose sur le fait que selon
lui, l’homme est naturellement méchant, ingrat, avide de gain et égoïste.
Thomas Hobbes qui ne s’éloigne pas de la problématique de Machiavel assure au
même titre que Spinoza que l’homme est fondamentalement désir et puissance.
C’est au nom de cette nécessité que selon Hobbes l’homme reste permanemment un
loup pour son semblable. Pour Spinoza précisément, l’essence de l’homme c’est
le conatus entendu particulièrement comme désir de persévérer
dans l’être. Ce désir lui confère de la puissance au nom de laquelle il reste
toujours dangereux. Conduit par les appétits du corps, l’immoralité restera
permanente à l’homme autant de temps qu’il n’accèdera pas au stade de raison.
N’oublions pas que chez Spinoza les hommes ne perdent pas totalement leur état
de nature même étant dans la société. Ils font juste l’effort de se conformer à
la légalité pour être utile à soi même et aux autres. C’est dire que de toute
façon l’homme est en permanence un être
redoutable malgré la conception d’un Socrate faisant valoir que nul n’est
méchant volontairement ou d’un Rousseau selon laquelle l’homme est
naturellement bon, mais c’est la société
qui le transforme.
Si nous suivons la signification
des conceptions rapprochées de la nature humaine de Machiavel, Hobbes et
Spinoza, on n’hésitera pas de dire qu’Autrui est redoutable en matière de
relation qui le lie avec ses semblables. N’est-ce pas là une forme d’annonce
classique que l’homme est un véritable facteur d’aliénation? Peut-il hésiter un
instant de déposséder l’autre de sa liberté, au nom de ses désirs s’il en a
l’occasion? C’est sans doute ce que Sartre voudrait montrer en se focalisant
d’abord sur le regard.
L’aliénation désigne
l’asservissement, la frustration d’individu suite à des contraintes
extérieures. Le concept d’aliénation signifie de même le fait de ne pas être
maître de soi-même, de ne pas se posséder tout entier soi-même mais, au
contraire de dépendre de quelqu’un ou de quelque chose. Or, nous pouvons
affirmer qu’autrui est effectivement une source d’aliénation dans la mesure où
il me juge; il possède une image de moi qui échappe à mon contrôle. Quand
Autrui me regarde, je perds tout contrôle de moi-même, je suis immobilisé, figé
par son regard, je perds ma liberté. Car j’ai l’impression qu’il me chosifie,
je me sens objectivé, je perds mon statut de sujet libre, le regard d’autrui me
tue, je me sens menacé. C’est dans ce sillage que s’inscrit la honte; celle-ci suppose toujours honte devant Autrui. C’est
lorsque je ressens qu’il y a des regards qui me fixent que je développe ce
sentiment. Le regard d’Autrui est comme le dit Sartre, source de timidité, de
gêne, d’embarras; il est aliénant. Être regardé, c’est être un objet d’ironie,
de moquerie, de réprobation: les rapports avec Autrui sont tordus, vicieux.
Autrui est pour nous une source d’aliénation parce qu’il est essentiel à la
formation de mon identité et à la connaissance de soi- même. Les autres sont au
fond ce qu’il y a de plus important en nous- mêmes pour notre connaissance
propre. Nous nous jugeons avec les moyens que les autres ont, nous ont donnés
de nous juger. Quoique je dise sur moi, toujours le jugement d’Autrui y trouve
place. Si mes rapports sont mauvais, je me mets dans la totale dépendance
d’Autrui. Sartre considère la dépendance au jugement d’Autrui comme un enfer
car dans cette situation que l’on perd sa liberté; on ne vit qu’au dépend du
jugement de l’autre, on est asservi. Aussi, les rapports avec Autrui sont
d’ordre conflictuel au point où l’homme est parfois amené à penser que l’on
gagnerait à vivre dans un monde où Autrui serait absent. Autrui apparaissant
généralement comme limite, frustration, voire une menace à ma liberté, l’on
peut en déduire que l’on serait vraiment libre si l’on vivait seul; on pourrait
alors faire tout ce dont on veut et désire. Si Autrui disparaissait, je serais
maître de la vérité qui prévaudrait car il n’y aurait personne pour me
contredire, me juger. Je serais le seul sujet dans un univers où tout serait à
ma disposition totale. Hegel, au sujet des rapports sociaux qu’entretiennent
les hommes, pense que les rapports avec Autrui sont toujours conflictuels:
rapport de jalousie, de haine, de lutte. Pour Hegel, le fait premier est le
conflit des consciences. Chacun de nous cherche à se faire connaître par les
autres. La conscience de soi ne s’exprime qu’en s’opposant aux autres consciences (chaque
conscience cherche à vaincre l’autre pour être reconnue). Vivre c’est lutter, c’est
s’opposer. Les rapports sont toujours faits de domination à la servitude. Le
Moi ne reconnais l’autre que pour l’asservir; on ne reconnait l’Autre qu’en
tant qu’esclave. Ceci nous révèle la dialectique du maître et de l’esclave.
Sartre à la suite de Hegel décrit les rapports comme un lien de lutte,
d’aliénation, d’asservissement à travers l’expérience du regard. Sartre montre
que le regard d’Autrui n’est pas sans effet voire neutre pour moi; derrière les
yeux qui regardent, il y a un sujet (une conscience) qui juge mes actes. De
plus, l’Autre par sa présence me décentre du monde, c’est-à-dire que je perds
ce privilège, cette opportunité d’être le centre du monde, je perds aussi mon
statut de sujet pour devenir objet et, c’est Autrui à cet effet qui prend ce
statut de sujet que je détenais. Quand Autrui me regarde, je suis pris, je
deviens à cet instant la chose ou l’objet regardé; je perds mon statut de
maître car je n’ai plus le contrôle de moi-même, je suis asservi par
l’existence d’une autre conscience. Le regard d’Autrui m’aliène, me dépossède
de ma totale liberté, il fige ma liberté parce qu’il me juge. Le sens de mon
être n’est plus seulement en moi-même mais dans la conscience d’Autrui, le
regard d’Autrui est comme un poids qui pèse sur moi et dont je ne peux m’en
défaire.
2 Autrui comme Moyen et
non comme une fin en soi
L’expression
« moyen » désigne quelque chose dont on se sert pour accéder à une fin. Il s’oppose à la Fin
qui, quant à elle, ne sert à rien d’autre mais existe pour elle-même. C’est
quelque chose qui n’a pas de valeur absolue, mais relative. Considéré Autrui
comme Moyen c’est le qualifier comme ayant seulement une valeur relative. Nous
pouvons nous en servir pour autre chose, comme monnaie d’échange, comme quelque
chose nous permettant d’atteindre un but, de parvenir à une fin. Autrui est
alors considéré dans ce cas comme un instrument, une chose. Ce que Kant avait
dit, à savoir qu’Autrui est une valeur qu’il faut traiter à juste titre, trouve
des résistances dans notre monde réel. On considère plus l’autre comme un moyen
que comme une fin. On se sert des autres, ils sont pour nous des objets utiles pour réaliser nos fins.
Le plus souvent, ce n’est pas vraiment de l’amour que nous ressentons pour
autrui, on fait semblant pour se faire aimer ou pour parvenir à notre fin
personnelle. Le monde capitaliste est justement à cette image: c’est un monde
où les intérêts personnels passent en priorité, l’amour du prochain n’étant
qu’une feuille de vigne qui cache la véritable face des hommes qui, en réalité,
tiennent les hommes pour moyens leur permettant de se réaliser, d’entrer dans
l’histoire, d’y écrire leurs noms, de conserver leur puissance, de rester
toujours les maîtres du monde. C’est également à cette fin que sont déclarées
les guerres et que sont constituées les relations internationales. La coalition
anglo-américaine qui a fait la guerre à l’Iraq en 2003 avait avancé un prétexte
politique à savoir, détruire les armes à destruction massive que regorgeait
l’Iraq. Etait-ce une raison ou cause réelle de guerre? Les soldats
n’avaient-ils pas été utilisés comme moyens pour atteindre des buts politiques
cachés? Quant aux relations internationales, nous savons qu’il n’y existe pas
de philanthropie. Les hommes et les Etats sont utilisés pour assouvir parfois
les intérêts de certains groupes d’individus. Le cas africain en est une
illustration sans pareil. Dans cette perspective, l’on déshumanise autrui, on
lui ôte son statut de sujet, on l’instrumentalise. Le monde dans lequel nous
vivons est assagi par l’individualisme et l’égoïsme; l’on ne recherche que son
intérêt propre, l’on va jusqu’à se servir d’autrui pour assouvir notre fin
voire, l’éliminer quand il s’avère être une embuche pour nous. Prenons un autre
exemple: le cas d’un jeune couple où la femme est issue d’une famille
bourgeoise et dont le mari, issu d’une classe moyenne, convoite les biens de sa
conjointe. Pour y arriver, le jeune homme est contraint de jouer à l’amoureux
fou vis-à-vis de sa conjointe ou encore au garçon gentil, aimable et dévoué
vis-à-vis de sa belle-famille pour se faire aimer afin de gagner leur
confiance. Ainsi, il pourra à travers cette mascarade parvenir à sa fin qui est
celle de posséder la richesse de sa soi-disant bien-aimée. Dans ce contexte, la
jeune femme qui se croit aimée est assimilée à un objet, un instrument par
lequel son conjoint va atteindre son but. Elle est traitée comme un pur moyen
dont il s’en sert et exploite. Elle n’est pas considérée dans une pareille
situation comme une personne ou un sujet conscient mais comme un outil. Aussi,
Autrui est considéré comme un moyen dans la mesure où il conditionne
l’obtention d’un résultat. A cet effet, l’on est amené dans ce cas d’user de la
flatterie, des tromperies pour arriver à réaliser notre projet. Nous pouvons
l’illustrer par le cas de celui qui se lie d’amitié avec autrui parce qu’il lui
donne des informations précieuses et, une fois ces informations obtenues, il
rompt l’amitié. Autrui une fois de plus est utilisé comme un moyen pour
parvenir à sa fin. Cette situation est assimilable à un objet dont on se sert
et quand on en a plus besoin, on rejette. Cependant, je ne dois uniquement
traiter l’autre comme une chose dont on s’en débarrasse quand on en a plus
besoin. Car Autrui n’est pas un objet, un simple phénomène de la nature: il est
plus que cela. C’est un être humain, un sujet pensant doué de raison qui a les
mêmes attributs que moi. Nous devons nous comporter moralement vis-à-vis des
autres, nous ne devons pas agir parce que nous éprouvons du plaisir à le faire,
parce que nous voulons satisfaire un intérêt personnel. Mais agir moralement
c’est agir dignement tout en évitant de blesser Autrui ou de l’exploiter.
Emmanuel Kant au sujet de la morale l’affirme dans sa seconde maxime qui est la
suivante: «Agis de telle sorte que tu
traites l’humanité, aussi bien dans ta personne que dans la personne de toute
autre, comme une fin et jamais comme un moyen »[1]. Cette
maxime d’Emmanuel Kant devrait être considérée comme une norme à appliquer dans
nos sociétés où l’esprit capitaliste est sans cesse croissant. Chacun ne
recherche que son intérêt propre au détriment des autres, même s’fl faut
exploiter ces derniers pour y parvenir.
3 Attitude répugnante et sadique envers autrui
La haine
suppose qu’il y a répulsion, refoulement, aversion mutuelle de deux libertés :
celle d’autrui et la mienne. Dans ce registre, ma conscience cherche à se
construire, à s’édifier sur l’effondrement de l’autre. L’on assiste à la
résignation totale de l’autre. Dans ce conteste de haine, l’on abandonne toute
idée de réaliser, de former une union, une communauté avec l’autre. Autrui
devient un être méprisable dont on voudrait se débarrasser, voir faire
disparaitre de son espace vital, l’on projette de réaliser un monde ou autrui
n’existe pas. La haine manifeste le sentiment d’un pour-soi poursuivant la mort
de l’autre. Dans la haine, le pour-soi accepte de n’être que pour-soi et non
pour autrui. La haine selon Sartre naît du fait de la chosification, de mon
objectivation par l’autre. Pour revenir à l’expérience du regard à travers
lequel je suis déshumanisé je perds mon statut de sujet pour ne devenir qu’un
objet pour l’autre, je perds ma liberté, je me sens menacé, décentré du monde
auquel j’appartiens. La rencontre avec autrui n’est que conflit parce que ce
n’est autre que la rencontre d’une autre liberté face à moi, qui nie la mienne
pour faire valoir la tienne si bien que je ne suis plus désormais maître de la
situation. Et pour échapper à cette condition de dépendance ou je suis
assujetti à l’autre, il va falloir que je me fasse à mon tour «regard regardant »[2]
pour l’autre et que l’autre devienne lui-même cet objet regardé; ce qui conduit
à un véritable et infernal duel des consciences. Cette situation va susciter en
moi de la haine pour autrui considéré comme la source de mon aliénation et de
ma chute. De ce fait, celui qui est ne projette plus d’être un objet. Il veut
se défaire de son insaisissable être objet pour l’autre et abolir sa dimension
d’aliénation. Celui qui est envisage de ne plus du tout être objet, il veut se
défaire de ce carcan dans lequel l’autre l’a enfermé et devenir un sujet
indépendant et maître de soi- même. De même, la haine vise à supprimer l’autre
comme sujet me pensant. Ce pendant, haïr c’est aussi reconnaître qu’on ne peut
supprimer l’autre, que cet autre est un sujet contre lequel on ne peut rien
faire d’autre qu’élever des cris et des malédictions, et la violence est mon
incapacité à le faire disparaître. Ni l’amour, ni la haine, ni l’indifférence
ne peuvent faire sortir les Hommes de l’enfer dans lequel nous nous sommes tous
plongés puisqu’il y a les autres; ils sont partenaires du monde de même que
nous, et nous devons tenir compte de leur présence et de leurs jugements. La
haine selon Sartre est un moyen permettant de se protéger du regard des autres
et d’échapper ainsi au risque d’effondrement de notre subjectivité. A travers
la haine, je poursuis la mort de l’autre; cette attitude s’explique chez Sartre
par le désir de supprimer la liberté d’autrui, puisque c’est cette liberté qui
me menace dans mon être. Je suis en détresse face à l’autre de part son regard
qui m’avilit, et cette liberté que possède autrui de me juger, me chosifier, me
faire honte, qui me menace et que je hais et méprise. Dans la haine, il s’agit
de supprimer, anéantir l’asservissement potentiel, représenter par les autres
en tant que sujets libres mettant en danger ma propre liberté. Aussi, la haine
ne survient pas forcément face à une situation choquante, à un mal que nous
avons subi. Elle peut parfois naître là où on serait en droit d’attendre de la
reconnaissance, c1est-à-dire la réalisation d’un bienfait par exemple. Nous
prendrons le cas de celui qui est en train de voler dans un supermarché; le
fait d’être vu par l’autre nous emmène à reconnaître la vulgarité, l’immoralité
de notre geste. Ce qui suscite en nous l’embarras, la honte; et de cette honte
naîtra un sentiment de haine envers autrui qui acquière ici le statut d’un
sujet libre dans la mesure où c’est lui qui me juge, c’est lui qui m’aliène.
Sartre à ce sujet affirme que la circonstance qui provoque la haine: «c’est simplement l’acte d’autrui par quoi
j’ai été mis en état de subir sa liberté. Cet acte en lui-même est humiliant:
il est humiliant en tant que révélation concrète de mon objectivité
instrumental en face de la liberté d’autrui »[3]
le fait de ce reconnaitre dans cette image que autrui me renvoie, le fait
d’être réduit à l’objet me pousse à éliminer, à détruire ce sujet opprimant
pour me libérer. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la reconnaissance est
si proche de la haine. Le regard des autres sur nous, de même que le nôtre sur
les autres, peut être terrible; il est à affronter, et parfois insoutenable. La
haine et le mépris passent tous par le regard et nous signifient notre néant.
La haine de même est synonyme d’échec.
En effet, le
projet initial de la haine est celui d’éliminer les autres consciences. Nous
prendrons l’exemple relaté dans Huis clos par Sartre, où le personnage nommé
Estelle éprouve du mépris pour Inès, preuve qu’elle n’a pas la capacité de
l’anéantir, ni de la supprimer. Estelle ne peut pas tolérer d’être considérée
comme la chose d’Inès en étant objectivée à travers le couple qu’elle a essayé
de former avec son compagnon Garcin. Estelle ne veut pas être considérée comme
une chose et, c’est d’ailleurs la qualification que lui attribue sa rivale
Inès. La haine de Estelle pour Inès dans ce contexte témoigne ici de la
présence de l’autre qui est le facteur négatif à la constitution du couple; ce
qui est relatif à ‘échec. En fait, toutes les investigations que vont
entreprendre les différents personnages pour échapper à leur condition, à leur
situation ne seront que échec. Le fait qu’ils ont beau nié les autres en
s’éliminant par suicide ou par meurtre demeure un échec et, c’est la haine qui
s’installe; ceci nous amène à penser qu’autrui est sans cesse constant dans
notre vie. Sartre à ce sujet, dans L’être et le néant1 exprime que la haine
n’est qu’échec dans la mesure où même si on parvenait à supprimer l’autre à
l’instant présent, cela n’empêcherait pas qu’autrui ait existé dans le passé et
cette image de cet autrui dans le passé reste présente dans notre conscience.
L’abolition de l’autre comme triomphe de la haine suppose la reconnaissance de
l’existence de l’autrui dont on ne peut s’en passer. Le sadisme quant à lui
désigne le goût ou la complaisance que l’on ressent à voir souffrir une autre
personne. Le sadique est un passionné qui a pour objectif d’asservir l’autre en
tant qu’un objet. Le sadique se sert en instrumentalisant l’autre, en le
chosifiant, et en se l’appropriant sans scrupule. C’est le cas par exemple de
la passion sexuelle qui peut se transformer en servitude sexuelle. L’on ressent
le besoin d’une soumission morbide de son partenaire. De même, cette servitude
sexuelle développe chez certains individus sexuellement hyperesthésiés une
envie de laisser la douleur. Il en est de même pour le cas de la jeune femme
qui avant de passer à l’acte sexuel avec son conjoint doit le voir souffrir (se
faire par exemple fouetter jusqu’à écoulement du sang) et c’est de cette
souffrance que va se produire chez elle l’excitation sexuelle. Le sadique est
habité par un désir de maîtriser son partenaire en le contraignant par la
souffrance à se soumettre; ce qui suscite chez ce dernier de la satisfaction et
du plaisir. Sartre de ce fait écrira: «Le
sadisme est un effort pour incarner autrui par la violence et cette incarnation
«de force» doit être déjà appropriation et utilisation de l’autre »[4].
II- Relations d’harmonie
Les rapports
avec autrui ne révèlent pas toujours de la discorde, de la haine, du sadisme
comme nous le montre Jean-Paul Sartre. Autrui en tant mon semblable et Co-originaire
du monde, il peut aussi être pour moi un objet de sympathie. Si les relations
sociales n’étaient que sources de conflits, le monde serait exclusivement un théâtre de chaos ; on
ne parlerait pas d’humanité mais de la
pure jungle bestiale. Cependant, je peux éprouver du sentiment de sympathie,
de solidarité, de compassion, voire de tolérance à l’égard des autres, ce qui
restitue au monde son statut d’humanité.
1 L’altérité forme une
individualité collective
Nous vivons
en société avec d’autres personnes. Il est donc essentiel pour nous de nouer
des relations amicales, de rencontrer le monde, d’entretenir des relations avec
ceux qui nous entourent. L’homme est un être sociable qui doit tisser des liens
avec autrui pour faire partie ou s’intégrer dans la société, évoluer et être
heureux. Autrui est donc l’objet de bonheur et non un moyen pour y parvenir.
L’homme se doit de vivre avec les autres, donc avec autrui sans qui il ne peut
subsister; ce qui traduit une certaine dépendance vis-à-vis de celui-ci. Autrui
a besoin de moi autant que j’ai besoin de lui. C’est pourquoi lui et moi
formons une collectivité afin d’évoluer dans la société, de survivre et
surmonter les obstacles. Nous avons besoin de l’union des subjectivités pour
former un groupe organisé qui agira par la praxis commune en vue de la
libération collective ou de parvenir à nos fins. A travers ma collaboration,
nous mettons en commun nos compétences et nos efforts. Nous prenons par exemple
le cas d’une guerre ou d’un conflit entre deux Etats; cette situation nécessite
l’union et la collaboration de plusieurs sujets pour affronter l’ennemi et
vaincre. De même le groupe que nous formons avec autrui nous permet de former
une communauté, une société d’hommes dont l’objectif est de défendre les mêmes
valeurs. C’est le cas par exemple dans une entreprise: un seul sujet ne peut la
faire fonctionner. Nous avons besoin d’un groupe d’hommes dont chacun aura sa
tâche à accomplir afin d’assurer la bonne marche de celle-ci et obtenir un
résultat fiable et satisfaisant. Une seule subjectivité ne pourrait accomplir toutes ces tâches. Nous
avons besoin de nous unir avec les autres et former une collectivité dans le
but de réussir. Ne dit-on pas que «l’union fait la force»? Ces adages
renforcent l’idée selon laquelle la collaboration, l’union des subjectivités
est importante pour autrui.
2- L’amitié et la sympathie envers autrui
Autrui si l’on prend le postulat de la
moralité en tant que alter-ego, c’est-à-dire mon semblable, doit être considéré
comme une fin qui m’apporte une part essentielle de mon humanité. Il mérite
donc le respect, l’amitié et la sympathie. L’amitié est un lien de sympathie et
d’affection qui s’établit entre deux ou plusieurs personnes. Elle crie, suscite
en nous le souci du bien et du bonheur de l’autre, maintient l’entente et la
solidarité entre les personnes. La relation d’amitié à nos jours se définit
généralement comme une sympathie durable entre deux personnes. Cette amitié le
plus souvent se fonde à travers les affinités et le partage des valeurs
communes. L’amitié permet l’entraide, la solidarité, l’écoute réciproque,
l’échange de conseils, le soutien et voire le partage de loisirs.
Afin de
rendre complet la compréhension sur la notion d’autrui, l’analyse prochaine
visera à examiner le problème de la connaissance d’autrui.
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