mardi 30 décembre 2014

LA NATURE DES RAPPORTS AVEC AUTRUI




LA NATURE DES RAPPORTS AVEC AUTRUI

     En  vue d’aider nos apprenants à mieux comprendre la notion d’autrui plus précisément le problème de la nature des rapports intersubjectifs, nous essayerons dans cet article aussi infime soit-il d’examiner le contraste qui existe entre autrui et son alter ego. Il s’avère, au premier regard que cette relation soit parsemée des moments conflictuels et des moments pacifiques.
  
I- LES RELATIONS CONFLICTUELLES

Par relations conflictuelles nous entendons les rapports émaillés par les conflits, c’est-à-dire les discordes, les assujettissements, les oppositions qui peuvent dériver de la différence de tempéraments de conceptions ou d’intérêts entre les hommes. Le statut  dualiste d’autrui en tant qu’individualité exclusive et sujet  semblable à moi l’emmène souvent à s’opposer à moi pour ainsi s’affirmer d’une part, et à être en harmonie avec moi d’autre part. De ce point de vue, nous étudierons ici les rapports d’aliénation, de haine et de sadisme que nous entretenons avec l’autre, sans oublier que par un retournement dialectique, nous formons parfois avec lui, un groupe d’intérêts communs.

1 Rapport d’aliénation et d’assujettissement
Machiavel faisait valoir que l’essence de l’homme c’est le conflit, conflit qui repose sur le fait que selon lui, l’homme est naturellement méchant, ingrat, avide de gain et égoïste. Thomas Hobbes qui ne s’éloigne pas de la problématique de Machiavel assure au même titre que Spinoza que l’homme est fondamentalement désir et puissance. C’est au nom de cette nécessité que selon Hobbes l’homme reste permanemment un loup pour son semblable. Pour Spinoza précisément, l’essence de l’homme c’est le conatus entendu   particulièrement comme désir de persévérer dans l’être. Ce désir lui confère de la puissance au nom de laquelle il reste toujours dangereux. Conduit par les appétits du corps, l’immoralité restera permanente à l’homme autant de temps qu’il n’accèdera pas au stade de raison. N’oublions pas que chez Spinoza les hommes ne perdent pas totalement leur état de nature même étant dans la société. Ils font juste l’effort de se conformer à la légalité pour être utile à soi même et aux autres. C’est dire que de toute façon l’homme est en permanence  un être redoutable malgré la conception d’un Socrate faisant valoir que nul n’est méchant volontairement ou d’un Rousseau selon laquelle l’homme est naturellement bon, mais  c’est la société qui le transforme.

Si nous suivons la signification des conceptions rapprochées de la nature humaine de Machiavel, Hobbes et Spinoza, on n’hésitera pas de dire qu’Autrui est redoutable en matière de relation qui le lie avec ses semblables. N’est-ce pas là une forme d’annonce classique que l’homme est un véritable facteur d’aliénation? Peut-il hésiter un instant de déposséder l’autre de sa liberté, au nom de ses désirs s’il en a l’occasion? C’est sans doute ce que Sartre voudrait montrer en se focalisant d’abord sur le regard.
L’aliénation désigne l’asservissement, la frustration d’individu suite à des contraintes extérieures. Le concept d’aliénation signifie de même le fait de ne pas être maître de soi-même, de ne pas se posséder tout entier soi-même mais, au contraire de dépendre de quelqu’un ou de quelque chose. Or, nous pouvons affirmer qu’autrui est effectivement une source d’aliénation dans la mesure où il me juge; il possède une image de moi qui échappe à mon contrôle. Quand Autrui me regarde, je perds tout contrôle de moi-même, je suis immobilisé, figé par son regard, je perds ma liberté. Car j’ai l’impression qu’il me chosifie, je me sens objectivé, je perds mon statut de sujet libre, le regard d’autrui me tue, je me sens menacé. C’est dans ce sillage que s’inscrit la honte; celle-ci suppose toujours honte devant Autrui. C’est lorsque je ressens qu’il y a des regards qui me fixent que je développe ce sentiment. Le regard d’Autrui est comme le dit Sartre, source de timidité, de gêne, d’embarras; il est aliénant. Être regardé, c’est être un objet d’ironie, de moquerie, de réprobation: les rapports avec Autrui sont tordus, vicieux. Autrui est pour nous une source d’aliénation parce qu’il est essentiel à la formation de mon identité et à la connaissance de soi- même. Les autres sont au fond ce qu’il y a de plus important en nous- mêmes pour notre connaissance propre. Nous nous jugeons avec les moyens que les autres ont, nous ont donnés de nous juger. Quoique je dise sur moi, toujours le jugement d’Autrui y trouve place. Si mes rapports sont mauvais, je me mets dans la totale dépendance d’Autrui. Sartre considère la dépendance au jugement d’Autrui comme un enfer car dans cette situation que l’on perd sa liberté; on ne vit qu’au dépend du jugement de l’autre, on est asservi. Aussi, les rapports avec Autrui sont d’ordre conflictuel au point où l’homme est parfois amené à penser que l’on gagnerait à vivre dans un monde où Autrui serait absent. Autrui apparaissant généralement comme limite, frustration, voire une menace à ma liberté, l’on peut en déduire que l’on serait vraiment libre si l’on vivait seul; on pourrait alors faire tout ce dont on veut et désire. Si Autrui disparaissait, je serais maître de la vérité qui prévaudrait car il n’y aurait personne pour me contredire, me juger. Je serais le seul sujet dans un univers où tout serait à ma disposition totale. Hegel, au sujet des rapports sociaux qu’entretiennent les hommes, pense que les rapports avec Autrui sont toujours conflictuels: rapport de jalousie, de haine, de lutte. Pour Hegel, le fait premier est le conflit des consciences. Chacun de nous cherche à se faire connaître par les autres. La conscience de soi ne s’exprime qu’en s’opposant aux autres consciences (chaque conscience cherche à vaincre l’autre pour être reconnue). Vivre c’est lutter, c’est s’opposer. Les rapports sont toujours faits de domination à la servitude. Le Moi ne reconnais l’autre que pour l’asservir; on ne reconnait l’Autre qu’en tant qu’esclave. Ceci nous révèle la dialectique du maître et de l’esclave. Sartre à la suite de Hegel décrit les rapports comme un lien de lutte, d’aliénation, d’asservissement à travers l’expérience du regard. Sartre montre que le regard d’Autrui n’est pas sans effet voire neutre pour moi; derrière les yeux qui regardent, il y a un sujet (une conscience) qui juge mes actes. De plus, l’Autre par sa présence me décentre du monde, c’est-à-dire que je perds ce privilège, cette opportunité d’être le centre du monde, je perds aussi mon statut de sujet pour devenir objet et, c’est Autrui à cet effet qui prend ce statut de sujet que je détenais. Quand Autrui me regarde, je suis pris, je deviens à cet instant la chose ou l’objet regardé; je perds mon statut de maître car je n’ai plus le contrôle de moi-même, je suis asservi par l’existence d’une autre conscience. Le regard d’Autrui m’aliène, me dépossède de ma totale liberté, il fige ma liberté parce qu’il me juge. Le sens de mon être n’est plus seulement en moi-même mais dans la conscience d’Autrui, le regard d’Autrui est comme un poids qui pèse sur moi et dont je ne peux m’en défaire.

2 Autrui comme Moyen et non comme une fin en soi
L’expression « moyen » désigne quelque chose dont on se sert pour  accéder à une fin. Il s’oppose à la Fin qui, quant à elle, ne sert à rien d’autre mais existe pour elle-même. C’est quelque chose qui n’a pas de valeur absolue, mais relative. Considéré Autrui comme Moyen c’est le qualifier comme ayant seulement une valeur relative. Nous pouvons nous en servir pour autre chose, comme monnaie d’échange, comme quelque chose nous permettant d’atteindre un but, de parvenir à une fin. Autrui est alors considéré dans ce cas comme un instrument, une chose. Ce que Kant avait dit, à savoir qu’Autrui est une valeur qu’il faut traiter à juste titre, trouve des résistances dans notre monde réel. On considère plus l’autre comme un moyen que comme une fin. On se sert des autres, ils sont pour  nous des objets utiles pour réaliser nos fins. Le plus souvent, ce n’est pas vraiment de l’amour que nous ressentons pour autrui, on fait semblant pour se faire aimer ou pour parvenir à notre fin personnelle. Le monde capitaliste est justement à cette image: c’est un monde où les intérêts personnels passent en priorité, l’amour du prochain n’étant qu’une feuille de vigne qui cache la véritable face des hommes qui, en réalité, tiennent les hommes pour moyens leur permettant de se réaliser, d’entrer dans l’histoire, d’y écrire leurs noms, de conserver leur puissance, de rester toujours les maîtres du monde. C’est également à cette fin que sont déclarées les guerres et que sont constituées les relations internationales. La coalition anglo-américaine qui a fait la guerre à l’Iraq en 2003 avait avancé un prétexte politique à savoir, détruire les armes à destruction massive que regorgeait l’Iraq. Etait-ce une raison ou cause réelle de guerre? Les soldats n’avaient-ils pas été utilisés comme moyens pour atteindre des buts politiques cachés? Quant aux relations internationales, nous savons qu’il n’y existe pas de philanthropie. Les hommes et les Etats sont utilisés pour assouvir parfois les intérêts de certains groupes d’individus. Le cas africain en est une illustration sans pareil. Dans cette perspective, l’on déshumanise autrui, on lui ôte son statut de sujet, on l’instrumentalise. Le monde dans lequel nous vivons est assagi par l’individualisme et l’égoïsme; l’on ne recherche que son intérêt propre, l’on va jusqu’à se servir d’autrui pour assouvir notre fin voire, l’éliminer quand il s’avère être une embuche pour nous. Prenons un autre exemple: le cas d’un jeune couple où la femme est issue d’une famille bourgeoise et dont le mari, issu d’une classe moyenne, convoite les biens de sa conjointe. Pour y arriver, le jeune homme est contraint de jouer à l’amoureux fou vis-à-vis de sa conjointe ou encore au garçon gentil, aimable et dévoué vis-à-vis de sa belle-famille pour se faire aimer afin de gagner leur confiance. Ainsi, il pourra à travers cette mascarade parvenir à sa fin qui est celle de posséder la richesse de sa soi-disant bien-aimée. Dans ce contexte, la jeune femme qui se croit aimée est assimilée à un objet, un instrument par lequel son conjoint va atteindre son but. Elle est traitée comme un pur moyen dont il s’en sert et exploite. Elle n’est pas considérée dans une pareille situation comme une personne ou un sujet conscient mais comme un outil. Aussi, Autrui est considéré comme un moyen dans la mesure où il conditionne l’obtention d’un résultat. A cet effet, l’on est amené dans ce cas d’user de la flatterie, des tromperies pour arriver à réaliser notre projet. Nous pouvons l’illustrer par le cas de celui qui se lie d’amitié avec autrui parce qu’il lui donne des informations précieuses et, une fois ces informations obtenues, il rompt l’amitié. Autrui une fois de plus est utilisé comme un moyen pour parvenir à sa fin. Cette situation est assimilable à un objet dont on se sert et quand on en a plus besoin, on rejette. Cependant, je ne dois uniquement traiter l’autre comme une chose dont on s’en débarrasse quand on en a plus besoin. Car Autrui n’est pas un objet, un simple phénomène de la nature: il est plus que cela. C’est un être humain, un sujet pensant doué de raison qui a les mêmes attributs que moi. Nous devons nous comporter moralement vis-à-vis des autres, nous ne devons pas agir parce que nous éprouvons du plaisir à le faire, parce que nous voulons satisfaire un intérêt personnel. Mais agir moralement c’est agir dignement tout en évitant de blesser Autrui ou de l’exploiter. Emmanuel Kant au sujet de la morale l’affirme dans sa seconde maxime qui est la suivante: «Agis de telle sorte que tu traites l’humanité, aussi bien dans ta personne que dans la personne de toute autre, comme une fin et jamais comme un moyen »[1]. Cette maxime d’Emmanuel Kant devrait être considérée comme une norme à appliquer dans nos sociétés où l’esprit capitaliste est sans cesse croissant. Chacun ne recherche que son intérêt propre au détriment des autres, même s’fl faut exploiter ces derniers pour y parvenir.

3 Attitude répugnante  et sadique envers autrui
La haine suppose qu’il y a répulsion, refoulement, aversion mutuelle de deux libertés : celle d’autrui et la mienne. Dans ce registre, ma conscience cherche à se construire, à s’édifier sur l’effondrement de l’autre. L’on assiste à la résignation totale de l’autre. Dans ce conteste de haine, l’on abandonne toute idée de réaliser, de former une union, une communauté avec l’autre. Autrui devient un être méprisable dont on voudrait se débarrasser, voir faire disparaitre de son espace vital, l’on projette de réaliser un monde ou autrui n’existe pas. La haine manifeste le sentiment d’un pour-soi poursuivant la mort de l’autre. Dans la haine, le pour-soi accepte de n’être que pour-soi et non pour autrui. La haine selon Sartre naît du fait de la chosification, de mon objectivation par l’autre. Pour revenir à l’expérience du regard à travers lequel je suis déshumanisé je perds mon statut de sujet pour ne devenir qu’un objet pour l’autre, je perds ma liberté, je me sens menacé, décentré du monde auquel j’appartiens. La rencontre avec autrui n’est que conflit parce que ce n’est autre que la rencontre d’une autre liberté face à moi, qui nie la mienne pour faire valoir la tienne si bien que je ne suis plus désormais maître de la situation. Et pour échapper à cette condition de dépendance ou je suis assujetti à l’autre, il va falloir que je me fasse à mon tour «regard regardant »[2] pour l’autre et que l’autre devienne lui-même cet objet regardé; ce qui conduit à un véritable et infernal duel des consciences. Cette situation va susciter en moi de la haine pour autrui considéré comme la source de mon aliénation et de ma chute. De ce fait, celui qui est ne projette plus d’être un objet. Il veut se défaire de son insaisissable être objet pour l’autre et abolir sa dimension d’aliénation. Celui qui est envisage de ne plus du tout être objet, il veut se défaire de ce carcan dans lequel l’autre l’a enfermé et devenir un sujet indépendant et maître de soi- même. De même, la haine vise à supprimer l’autre comme sujet me pensant. Ce pendant, haïr c’est aussi reconnaître qu’on ne peut supprimer l’autre, que cet autre est un sujet contre lequel on ne peut rien faire d’autre qu’élever des cris et des malédictions, et la violence est mon incapacité à le faire disparaître. Ni l’amour, ni la haine, ni l’indifférence ne peuvent faire sortir les Hommes de l’enfer dans lequel nous nous sommes tous plongés puisqu’il y a les autres; ils sont partenaires du monde de même que nous, et nous devons tenir compte de leur présence et de leurs jugements. La haine selon Sartre est un moyen permettant de se protéger du regard des autres et d’échapper ainsi au risque d’effondrement de notre subjectivité. A travers la haine, je poursuis la mort de l’autre; cette attitude s’explique chez Sartre par le désir de supprimer la liberté d’autrui, puisque c’est cette liberté qui me menace dans mon être. Je suis en détresse face à l’autre de part son regard qui m’avilit, et cette liberté que possède autrui de me juger, me chosifier, me faire honte, qui me menace et que je hais et méprise. Dans la haine, il s’agit de supprimer, anéantir l’asservissement potentiel, représenter par les autres en tant que sujets libres mettant en danger ma propre liberté. Aussi, la haine ne survient pas forcément face à une situation choquante, à un mal que nous avons subi. Elle peut parfois naître là où on serait en droit d’attendre de la reconnaissance, c1est-à-dire la réalisation d’un bienfait par exemple. Nous prendrons le cas de celui qui est en train de voler dans un supermarché; le fait d’être vu par l’autre nous emmène à reconnaître la vulgarité, l’immoralité de notre geste. Ce qui suscite en nous l’embarras, la honte; et de cette honte naîtra un sentiment de haine envers autrui qui acquière ici le statut d’un sujet libre dans la mesure où c’est lui qui me juge, c’est lui qui m’aliène. Sartre à ce sujet affirme que la circonstance qui provoque la haine: «c’est simplement l’acte d’autrui par quoi j’ai été mis en état de subir sa liberté. Cet acte en lui-même est humiliant: il est humiliant en tant que révélation concrète de mon objectivité instrumental en face de la liberté d’autrui »[3] le fait de ce reconnaitre dans cette image que autrui me renvoie, le fait d’être réduit à l’objet me pousse à éliminer, à détruire ce sujet opprimant pour me libérer. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la reconnaissance est si proche de la haine. Le regard des autres sur nous, de même que le nôtre sur les autres, peut être terrible; il est à affronter, et parfois insoutenable. La haine et le mépris passent tous par le regard et nous signifient notre néant. La haine de même est synonyme d’échec.
En effet, le projet initial de la haine est celui d’éliminer les autres consciences. Nous prendrons l’exemple relaté dans Huis clos par Sartre, où le personnage nommé Estelle éprouve du mépris pour Inès, preuve qu’elle n’a pas la capacité de l’anéantir, ni de la supprimer. Estelle ne peut pas tolérer d’être considérée comme la chose d’Inès en étant objectivée à travers le couple qu’elle a essayé de former avec son compagnon Garcin. Estelle ne veut pas être considérée comme une chose et, c’est d’ailleurs la qualification que lui attribue sa rivale Inès. La haine de Estelle pour Inès dans ce contexte témoigne ici de la présence de l’autre qui est le facteur négatif à la constitution du couple; ce qui est relatif à ‘échec. En fait, toutes les investigations que vont entreprendre les différents personnages pour échapper à leur condition, à leur situation ne seront que échec. Le fait qu’ils ont beau nié les autres en s’éliminant par suicide ou par meurtre demeure un échec et, c’est la haine qui s’installe; ceci nous amène à penser qu’autrui est sans cesse constant dans notre vie. Sartre à ce sujet, dans L’être et le néant1 exprime que la haine n’est qu’échec dans la mesure où même si on parvenait à supprimer l’autre à l’instant présent, cela n’empêcherait pas qu’autrui ait existé dans le passé et cette image de cet autrui dans le passé reste présente dans notre conscience. L’abolition de l’autre comme triomphe de la haine suppose la reconnaissance de l’existence de l’autrui dont on ne peut s’en passer. Le sadisme quant à lui désigne le goût ou la complaisance que l’on ressent à voir souffrir une autre personne. Le sadique est un passionné qui a pour objectif d’asservir l’autre en tant qu’un objet. Le sadique se sert en instrumentalisant l’autre, en le chosifiant, et en se l’appropriant sans scrupule. C’est le cas par exemple de la passion sexuelle qui peut se transformer en servitude sexuelle. L’on ressent le besoin d’une soumission morbide de son partenaire. De même, cette servitude sexuelle développe chez certains individus sexuellement hyperesthésiés une envie de laisser la douleur. Il en est de même pour le cas de la jeune femme qui avant de passer à l’acte sexuel avec son conjoint doit le voir souffrir (se faire par exemple fouetter jusqu’à écoulement du sang) et c’est de cette souffrance que va se produire chez elle l’excitation sexuelle. Le sadique est habité par un désir de maîtriser son partenaire en le contraignant par la souffrance à se soumettre; ce qui suscite chez ce dernier de la satisfaction et du plaisir. Sartre de ce fait écrira: «Le sadisme est un effort pour incarner autrui par la violence et cette incarnation «de force» doit être déjà appropriation et utilisation de l’autre »[4].

II- Relations d’harmonie

Les rapports avec autrui ne révèlent pas toujours de la discorde, de la haine, du sadisme comme nous le montre Jean-Paul Sartre. Autrui en tant mon semblable et Co-originaire du monde, il peut aussi être pour moi un objet de sympathie. Si les relations sociales n’étaient que sources de conflits, le monde serait  exclusivement un théâtre de chaos ; on ne parlerait  pas d’humanité mais de la pure jungle bestiale. Cependant, je peux éprouver du sentiment de sympathie, de solidarité, de compassion, voire de tolérance à l’égard des autres, ce qui restitue au monde son statut d’humanité.

1 L’altérité forme une individualité collective
Nous vivons en société avec d’autres personnes. Il est donc essentiel pour nous de nouer des relations amicales, de rencontrer le monde, d’entretenir des relations avec ceux qui nous entourent. L’homme est un être sociable qui doit tisser des liens avec autrui pour faire partie ou s’intégrer dans la société, évoluer et être heureux. Autrui est donc l’objet de bonheur et non un moyen pour y parvenir. L’homme se doit de vivre avec les autres, donc avec autrui sans qui il ne peut subsister; ce qui traduit une certaine dépendance vis-à-vis de celui-ci. Autrui a besoin de moi autant que j’ai besoin de lui. C’est pourquoi lui et moi formons une collectivité afin d’évoluer dans la société, de survivre et surmonter les obstacles. Nous avons besoin de l’union des subjectivités pour former un groupe organisé qui agira par la praxis commune en vue de la libération collective ou de parvenir à nos fins. A travers ma collaboration, nous mettons en commun nos compétences et nos efforts. Nous prenons par exemple le cas d’une guerre ou d’un conflit entre deux Etats; cette situation nécessite l’union et la collaboration de plusieurs sujets pour affronter l’ennemi et vaincre. De même le groupe que nous formons avec autrui nous permet de former une communauté, une société d’hommes dont l’objectif est de défendre les mêmes valeurs. C’est le cas par exemple dans une entreprise: un seul sujet ne peut la faire fonctionner. Nous avons besoin d’un groupe d’hommes dont chacun aura sa tâche à accomplir afin d’assurer la bonne marche de celle-ci et obtenir un résultat fiable et satisfaisant. Une seule subjectivité ne pourrait accomplir toutes ces tâches. Nous avons besoin de nous unir avec les autres et former une collectivité dans le but de réussir. Ne dit-on pas que «l’union fait la force»? Ces adages renforcent l’idée selon laquelle la collaboration, l’union des subjectivités est importante pour autrui.

2-  L’amitié et la sympathie envers autrui
  Autrui si l’on prend le postulat de la moralité en tant que alter-ego, c’est-à-dire mon semblable, doit être considéré comme une fin qui m’apporte une part essentielle de mon humanité. Il mérite donc le respect, l’amitié et la sympathie. L’amitié est un lien de sympathie et d’affection qui s’établit entre deux ou plusieurs personnes. Elle crie, suscite en nous le souci du bien et du bonheur de l’autre, maintient l’entente et la solidarité entre les personnes. La relation d’amitié à nos jours se définit généralement comme une sympathie durable entre deux personnes. Cette amitié le plus souvent se fonde à travers les affinités et le partage des valeurs communes. L’amitié permet l’entraide, la solidarité, l’écoute réciproque, l’échange de conseils, le soutien et voire le partage de loisirs.
Afin de rendre complet la compréhension sur la notion d’autrui, l’analyse prochaine visera à examiner le problème de la connaissance d’autrui. 




[1] Emmanuel Kant, Fondement de la métaphysique des mœurs, delagrave, Paris, 1 980,  p 170.
[2] Expression propre à J.P. Sartre exprimant une certaine réciprocité du regard vis-à-vis de l’autre.
[3] L’être et le néant, Gallimard, 1943, p. 462.
[4] L’être et le néant, Gallimard, 1943, p. 450.

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