L’EGYPTE ANTIQUE ET LA PRATIQUE DE L’ART
Introduction
Le mot art a un sens ancien et est
toujours usuel dans certaines acceptions notamment la musique, le théâtre, la
sculpture, la peinture, l’architecture, la littérature et l’incontournable
philosophie qui lui donne un sens beaucoup plus artistique c'est-à-dire
relevant de l’esprit que du naturel. L’art était considéré à cette époque comme
étant une activité ordonnée en vue d’une fin autre qu’elle-même et dont les
pratiques faisaient l’objet d’un apprentissage ou d’un enseignement. De nos
jours, on attribut à l’art le concept de généralisation abstraite des
beaux-arts entant qu’ils donnent collectivement lieu à une recherche théorique
ou philosophique. Dans le langage courant, l’art est considéré comme l’ensemble
des connaissances, des techniques nécessaires pour maîtriser une pratique
donnée. Le dictionnaire Hachette définit l’art dans son sens étymologique comme
une création humaine qui tend à la création d’œuvres exprimant un idéal de
beauté, d’harmonie. Ainsi, de toutes les conceptions de l’art, l’époque
ancienne est celle qui rejoint la conception Égyptienne qui fait l’objet de
notre étude ; laquelle conception nous amène à examiner le problème des
caractéristiques de l’art Égyptien. Dès lors, mettre en exergue cette réflexion
revient à présenter d’abord l’art dans l’Égypte antique, à travers la mission
de l’artiste ainsi que les critères de représentation, ensuite identifier l’art
chez Hegel tout en montrant l’aspect architectural et l’aspect de la peinture,
enfin à juger de la finalité de l’art sur le plan spirituel et sous l’angle
historique.
I-
L’art dans l’Égypte antique
L'art de l'Égypte antique est caractérisé par une idée
d'ordre : des lignes claires et simples, associées à des formes simples et
des aplats de couleur. Les artisans utilisaient des lignes perpendiculaires,
verticales et horizontales, pour former un quadrillage et donner des proportions
correctes à leurs travaux. L'art reflétait l'importance sociale, religieuse et
politique. La hauteur des personnages dépendait par exemple de leur rôle dans
la société : les plus importants étaient les plus grands. Le pharaon est ainsi
toujours représenté comme le plus grand des hommes ; de même les dieux
sont plus ou moins imposants selon qu'ils sont considérés comme plus ou moins
puissants. Ils employaient aussi souvent des animaux (oiseau, aigle...). Ils
sculptaient dans la pierre les hommes de face et de profil comme : les
pieds de profil, la tête de profil, les yeux de face et le corps de profil. En raison de l'importance de la
religion en Egypte antique, la plupart
des œuvres d'art représentent des divinités, des pharaons ou des
incarnations divines.
1-
Mission de l’artiste
Loin
d’être un artiste tout simplement le réalisateur d’une œuvre d’art dans l’Egypte
antique est un serviteur de la société Egyptienne. L’artiste est celui là qui
accomplit sa tâche d’une manière très consciencieuse. Il est chargé d’assurer
une sorte de continuité entre le monde des vivants et l’au-delà en reproduisant
la vie quotidienne du défunt au sein même de sa tombe. C’est pourquoi à
l’intérieur des tombaux, sont retracés artistiquement, un ensemble de signe qui
marque les étapes les plus importants de la vie de celui qui y est couché. Il
faut dire que, dès la plus haute époque c'est-à-dire celle qui précède les
pyramides, les Egyptiens ont cru en une vie après la mort. Les artistes à cet
effet tiennent un rôle important dans l’univers religieux des Egyptiens car
leurs ouvrages étaient des symboles descriptifs d’un transit entre la vie sur
terre et celle dans l’au-delà. La décoration des temples est infiniment
significative et représentative car les artistes obéissent à certaines règles qui
sont des critères caractéristiques de l’art Egyptien dont le titre suivant fait
l’objet d’analyse.
2-
critères de représentation
Nombreux sont les critères qui
caractérisent l’art Egyptien. Dans la
ronde-bosse c'est-à-dire la sculpture en plein relief le cas du sphinx par
exemple, les défunts sont idéalisés tout comme les rois et les dieux, présentés
dans une attitude sereine et digne. La loi de frontalité divise le corps en
deux parties symétriques; les attitudes se répartissent selon un certain nombre
de positions assez strictement définies. La statue est cependant un portrait,
souvent sans doute fort ressemblant : elle en quelque sorte fixe l'esprit du
défunt et se substituer éventuellement à une momie. Le relief peint, qui a été
le genre de prédilection des anciens Egyptiens, obéit lui aussi à certaines
règles : la multiplicité des échelles permet de noter l'importance relative des
personnages ou de mettre en évidence un détail significatif : les scènes sont
figurées selon plusieurs angles de vue conjugués pour que chaque objet
apparaisse sous son aspect le plus caractéristique. Les épaules et l'œil des
personnages sont présentés de face, tandis que le reste du corps et du visage
est vu de profil. Les hommes ont des chairs peintes en rouge, tandis que celles
des femmes sont jaunes.
Quelques grands
principes de l’art Egyptien :
· Principe de la
combinaison des points de vue : la tête et le bas du corps de profil tandis que
l'œil et le torse se présentent de face.
·
Principe de la suppression des masques, par le procédé des coupes (un
objet "contenant ", coupé transversalement, révèle son contenu
inaccessible à l'œil).
·
Principe du décalage latéral ou du décalage vertical : on fait glisser
l'un à côté de l'autre ou l'un au-dessus de l'autre des êtres ou des objets
qui, suivant la réalité optique, se masqueraient dans l'espace.
·
Principe de la multiplicité des échelles qui permet de noter la
hiérarchie des personnages ou de mettre en valeur tel aspect important d'une
scène. Le roi, par exemple, est beaucoup plus grand que ses ennemis ; sur les
bas-reliefs, le défunt dépasse par sa stature les gens qui sont à ses ordres.
L’artiste s’arrange à se que tous les acteurs font quelque chose qui correspond
à leur rôle, leur fonction. La jambe en avant, caractéristique de l’art Egyptien
signifie la marche, donc la vie : seule la momie, le mort, ne marche pas. Le
corps est représenté toujours complet. Ainsi, une main aura toujours cinq
doigts visibles. Idem pour les pieds, représentés sur une "ligne de
sol", à la manière des enfants.
II-
Conception Hégélienne de l’art Egyptien
Dans introduction
à l’esthétique, Hegel définit l’esthétique comme étant « la
philosophie, la science du beau, plus précisément du beau artistique à
l’exclusion du naturel. » L’exclusion du naturel se justifie par sa
réalisation en soi ce qui caractérise l’incomplétude du beau. Or pour Hegel le
beau artistique manifeste l’intériorité et l’extériorité, l’en soi et le pour
soi. L’art Egyptien ne s’éloigne pas de cette conception dans ses pratiques
artistiques les plus connues à savoir la peinture, l’architecture et la
sculpture.
1-
L’aspect architecto-sculptural
Présentons tout d’abord la classification des formes d’art que Hegel
dresse dans le tome II d’esthétique.
Il affirme : « L’art symbolique cherche à réaliser l’union entre
la signification interne et la forme extérieure, l’art classique a trouvé cette
réalisation dans la représentation de l’individualité substantielle s’adressant
à notre sensibilité et l’art romantique essentiellement spirituel l’a dépassé.
» Pour être plus précis, il s’agit pour nous de l’art symbolique où se trouve
rangé l’art Egyptien et comment Hegel conçoit l’architecture et la sculpture
car l’art symbolique exprime une idée
puissante dans une variété de formes qui sont ressenties comme n’étant pas
vraiment adéquates à son expression. Autrement dit L’art symbolique manifeste l’infini dans la
forme sensible de la finitude.
Le caractère architecto-sculptural de
l’art Egyptien, est de nature à représenter sous la forme sensible l’esprit
absolu. Il s’agit d’une marche dialectique vers l’idéal ; ainsi, de
l’architecture ou la sculpture à la musique, la progression est de la matière
la plus lourde et compacte à celle qui résiste le moins à l’esprit, qui se fond
dans l’intériorité. « Tout art s’exerce sur une matière plus ou moins dense,
plus ou moins résistante qu’il s’agit d’apprendre à maîtriser. » tome II
L’exemple que prend Hegel à titre illustratif est celui de l’art colossal de
l’Egypte : les pyramides. Hegel pense à propos des pyramides que ; Ce
qui frappe tout d’abord, à la vue de ces surprenantes constructions, ce sont leurs
incommensurables dimensions. Au point de
vue de la forme, elles n’ont rien de captivant ; il suffit de quelques minutes
pour en faire le tour et en garder le souvenir. La pyramide a une forme simple,
des surfaces planes, de grandeur égale. Elle se laisse réduire à des rapports
mathématiques simples. Avec la pyramide, au sens Hégélien, l’esprit se
considère lui-même par l’entendement en se réduisant à des rapports
mathématiques. La pyramide pour lui est l’œuvre de l’artisan et non de
l’artiste (travailleur spirituel). L’art Egyptien à l’exemple des
pyramides, montre la finitude de la
matière qui veut exprimer l’infini ; et ne parvient à la faire que de
manière plus ou moins gigantesque. Qu’il soit de manière architecturale ou
sculpturale, il y-a là plus ou moins de l’exagération dans la représentation. Selon
Hegel, les pyramides résument l’image de l’art symbolique lui-même. Celles-ci
contiennent quelque chose de caché, une belle enveloppe où l’art s’exprime.
C’est l’intériorité. Il est question dans l’art Egyptien d’une représentation
symbolique. L'ordre est lié au symbolisme de l'œuvre ; ainsi, les animaux
sont des représentations symboliques de divinités, Osiris, le dieu le plus
populaire d’Egypte, représente l’homme et son histoire.
Dans l’art Egyptien, l’absence de
liberté, d’éruption de l’esprit, à cause de son caractère a priori enveloppé,
fait que les représentations humaines restent sans véritable expression, « sans
sérénité, colossale, sérieuse, pétrifiée ». Les bras, les jambes et la
tête ne se dégagent pas du corps ; ils sont serrés, sans grâce sans mouvement
et sans vie. C’est progressivement que la forme humaine commence à se
perfectionner et à prendre un tout autre aspect. L’esprit est dans sa
réalisation sensible.
2- la peinture
La peinture est un type d’art que l’on pourrait classer dans l’art Egyptien
qui est un art symbolique dans la classification Hégélienne. Elle partage le
même principe dialectique en soi pour soi, intérieur extérieur que les formes
précédentes. Sauf qu’elle paraît plus subtile car passant par le relief on
transite de la sculpture à la peinture. La
peinture insiste sur la lumière, elle prend appui sur la surface plane qui est
faite pour l’œil. Elle est de l’ordre du
romantique dans la chronologie Hégélienne et est utilisée dans l’ordre du
symbolique dans l’art de l’Egypte antique. Par conséquent, elle a les mêmes
traits représentatifs que la sculpture et l’architecture ; exception faite
à la caractéristique gigantesque vue que
le cadre de réalisation est parfois restreint. La peinture pouvait se rapporter
à la sculpture ou à l’architecture dans l’art Egyptien dans la mesure où elle
se faisait sur des objets sculpturaux et architecturaux à l’instar des pots
comme l’on peut voir sur les photos de la dernière page. Lorsque Hegel nous
présente la peinture en tant qu’art romantique, c’est dans l’optique d’insister
sur les insuffisances de l’image à pouvoir réaliser l’idée de manière complète
car l’art romantique, l’intériorité de l’œuvre artistique. L’art chrétien
appartient à l’art romantique selon Hegel, notamment via les crucifixions, les
martyres et la représentation des souffrances du Christ. Mais en contexte
Egyptien, c’est un art symbolique.
III- Finalité de l’art Egyptien
La production d’un travail
artistique dans l’Egypte antique n’était nullement désintéressée. L’ouvrage
artistique était destiné à une portée religieuse ou spirituelle et historique.
1- Finalité spirituelle
La pensée égyptienne avait
élaboré tout un système destiné à assurer, sans faute, la vie éternelle : au
roi d'abord, puis, avec l'expansion du culte d'Osiris, à tous les hommes. Et
c’est par le biais de l’art que cela se faisait. La vieille manifestation permettant d’assurer
l’éternité au mort se faisait comme suit : durant sa vie, on s'affairait à
tout mettre en ordre pour que la mort ne fût qu'un passage vers une éternité
que l'on préparait à l'image de la vie quotidienne sur terre. L'enveloppe
charnelle, le corps, réceptacle invariable des éléments vitaux, devait être
préservé de toute corruption : on l'embaumait, on le momifiait, on le
garantissait de tout dommage éventuel en le plaçant dans une cuve de pierre,
plus tard, dans un sarcophage de bois, à l'intérieur d'une tombe couverte d'une
superstructure de pierre, dans l'abri secret d'un caveau souterrain ou au cœur
de la chambre funéraire d'un hypogée rupestre. Malgré ces nombreuses
précautions, le corps pouvait se dégrader et limiter la survie. La pensée
égyptienne rompt à cette pratique par l'institution des principes plus
rationnels qui allaient donner à l'art sa raison d'être essentielle.
La pratique de l’art pour l'art est
demeuré longtemps inconnu dans l'Egypte ancienne; toute création avait un but
pratique : assurer la prospérité et le triomphe de l'Egypte, procurer la survie
des souverains et notables. Le beau n'avait pas valeur en lui-même. L'artiste
lui-même était un artisan, au service de cette énorme machinerie d'ordre
religieux et funéraire qui caractérisait principalement sa vie sociale. Au
service des croyances religieuses et des rites, l'art ne pouvait que procéder
du traditionalisme le plus strict.
L'architecture est à destination religieuse ou funéraire; seuls les
temples et les tombes étaient construits en matériaux durables comme la pierre,
bien que l'on connaisse également quelques palais et forteresses en bois. La
peinture représente du point de vue religieux un mode d’emploi de la vie
future, un Guide de voyage
pratique, qui décrit à l’intention du défunt les dieux qu’il va rencontrer, les
dangers auxquels il fera face. La fonction de la peinture Egyptienne n’était pas
de décorer, mais d’accompagner le défunt dans l’au-delà. La sculpture,
plus symbolique encore et à grande échelle jouait presque le même rôle. Donc, la peinture
et la sculpture fournissent au mort tout ce dont ils vont avoir besoin dans
l’au-delà.
2- Finalité
historique
Par sa
destination, c'est-à-dire en fonction de son efficience religieuse, l'art
égyptien est conçu pour l'éternité. Aussi les monuments sont-ils construits en
matériaux durables; les pierres les plus dures sont employées pour la
ronde-bosse, les poses utilisées étant d'ordinaire celles qui se rapprochent le
plus d'un bloc, pour éviter les risques de cassures; le même souci a peut-être
présidé au choix du relief en creux ou en méplat, à l'exclusion du haut-relief.
Cette description vise à montrer que ; loin d’être un instrument au
service de la religion, l’art Egyptien était également un livre d’histoire à
partir duquel pouvait se retracer de manière consécutive les civilisations
qu’ont connu l’Egypte. C’est la même histoire artistique de l’Egypte qui nous fait
comprendre que : l'Ancien Empire est l'époque des grandes pyramides et de la création du scribe
accroupi. Pour la plupart des historiens de l'art, l'apogée de l'art égyptien,
atteint alors une perfection inégalée à ce stade là. Les représentations
artistiques de la vie d’un pharaon dans son tombaux retraçaient les grands
moments des circonstances de son règne. L’art donc a une finalité historique en
se sens qu’il marque et représente l’évolution de la vie sociale, politique et
religieuse en Egypte.
Une remarque mérite être faite
c’est que l’artiste ne signait pas ses œuvres. Les quelques artistes qui sont
passés à la postérité le sont par des mentions de leur tombe ou de leur
matériel funéraire.
Conclusion
Parvenue au terme de notre
analyse où il était question du problème des caractéristiques de l’art
Egyptien, une analyse profonde nous a montré que : L'art de l'Égypte antique est
caractérisé par un strict respect des canons lies à l’ordre comme ; des
lignes claires et simples, associées à des formes simples et des aplats de
couleur. Les artisans utilisaient des lignes perpendiculaires, verticales et
horizontales, pour former un quadrillage et donner des proportions correctes à
leurs travaux. L’artiste par conséquent jouait le rôle d’intermédiaire entre le
présent et l’au-delà. Toutefois, Hegel voit en l’art Egyptien ; un art
symbolique qui présente encore des imperfections par l’absence de liberté. Mais
enfin, la finalité de cet art demeure spirituelle et historique. Elle est tout
à fait intéressée.
L’illustration
de l’art Egyptien
Ouvrages
sculpturaux
Osiris, Musée du
Caire
Les pyramides royales du plateau de Gizeh
- 2500 ans avant JC
plateau de Gizeh (près du Caire)
- 2500 ans avant JC
plateau de Gizeh (près du Caire)
Ouvrages
architecturaux
Colonnes
du temple de Dendérah

Osiris,
Horus et Isis, Musée du Louvre
La peinture

Fresque, British Museum
Pleureuses - fresque funéraire
Pots de terre cuite
peints (Musée du Louvre)
BIBLIOGRAPHIE
1- esthétique tome II. Livre de
poche




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